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Médiation interculturelle en milieu professionnel : levier d’inclusion des immigrés en France ?

Ansoumane Sidibé

Révisé par Cerfontaine Christina & Manço Altay

Depuis les temps anciens, les déplacements de populations ont joué un rôle crucial dans la formation des sociétés humaines que cela soit motivé par des raisons économiques, politiques, climatiques ou culturelles. Cependant, la migration internationale a connu une montée en puissance depuis le début du XXIe siècle. Cette tendance est corrélée à l’augmentation des conflits armés, aux crises géopolitiques, aux disparités socio-économiques entre le Nord et le Sud, ainsi qu’aux effets du changement climatique qui poussent de nombreuses personnes à quitter leur pays (OCDE, 2021).

Selon Eurostat (2017), environ 11 % de la population résidant dans l’Union européenne (UE) est née à l’étranger. En France, les immigrés représentent 10 % de la population totale en 2023, soit plus de sept millions d’individus, avec près de la moitié (47 %) originaire du Maghreb et de l’Afrique subsaharienne. Il est également important de noter que selon l’INSEE (2023), plus de la moitié des personnes immigrées vivant en France sont des femmes (52 %).

La proportion de migrants dans la société française, restée relativement constante au cours de ces dernières années, souligne le statut de la France comme terre d’immigration, notamment dans le contexte de son passé colonial, mais aussi dans le cadre de sa démographie déclinante. Aussi, l’intégration des immigrés constitue un enjeu majeur des politiques publiques françaises, notamment en matière d’accès à l’emploi.

Pourtant, malgré les discours en faveur de la diversité, des études comme celle de l’Observatoire des inégalités (2023) montrent que les personnes issues de l’immigration rencontrent d’importantes barrières, entre autres, sur le marché du travail. Ces barrières sont diverses et nombreuses : discrimination à l’embauche, difficultés linguistiques, méconnaissance des codes culturels locaux ou encore précarité de certains statuts administratifs. Cette situation est d’autant plus paradoxale que la France est confrontée à une pénurie croissante de main-d’œuvre dans des secteurs clés tels que la construction, l’hôtellerie-restauration et les soins. Ce manque s’explique par le vieillissement de sa population et par le besoin de nouvelles compétences, impératif dans un contexte de transformation numérique et environnementale.

Ces contradictions appellent à une refonte des conditions d’insertion professionnelle des personnes immigrées. La question ne se limite donc plus à leur simple accueil, mais s’étend à la création d’un cadre de coexistence professionnelle à la fois productif et harmonieux, où la compréhension et la valorisation des diversités culturelles deviennent des piliers.

C’est dans ce cadre qu’il faut situer la médiation interculturelle, vue comme un dispositif d’accompagnement et de facilitation de la communication entre individus et groupes de cultures différentes, ayant pour objectif de prévenir les malentendus, désamorcer les conflits et favoriser la compréhension mutuelle au sein des organisations.

Pratiquée de longue date dans les champs de l’éducation, de la santé ou de l’action sociale (Abdallah-Pretceille, 2003), la médiation interculturelle émerge à peine dans l’univers professionnel, sans faire l’objet d’un traitement académique détaillé, en particulier en relation avec des processus d’intégration en emploi.

Les interactions interculturelles au sein des entreprises peuvent être à la fois source de valeur et de tension. La tolérance des différences culturelles ne suffit pas à éviter les conflits entre individus et groupes diversifiés dans des contextes professionnels marqués par des rapports sociaux inégalitaires (Manço, Sidibé et El-Hage, 2025). La diversité culturelle, lorsqu’elle est soutenue par une médiation appropriée, a le potentiel de favoriser l’innovation, la créativité et l’intelligence collective. A contrario, si elle n’est pas réglementée, elle risque de générer des malentendus, des stéréotypes ou des comportements discriminatoires, et donc de compromettre l’intégration à long terme des populations issues de l’immigration. Il semble donc judicieux d’étudier le rôle que peut jouer la médiation interculturelle en tant qu’outil stratégique d’intégration professionnelle, notamment dans des contextes multiculturels, et à quelles conditions.

Face à ces défis et à la nécessité d’une véritable cohésion sociale, cet article se propose de réfléchir à la médiation interculturelle comme un outil stratégique d’intégration professionnelle. Prenant l’exemple de la France, il fonde sa discussion sur une étude documentaire, mobilise des approches sociologiques et psychologiques de l’intégration en s’appuyant également sur une enquête menée auprès de douze travailleurs migrants, responsables d’entreprise, chercheurs et intervenants associatifs. Il semble que, malgré les programmes disponibles, l’intégration professionnelle des immigrés continue d’être entravée par les barrières linguistiques, la discrimination systémique et un manque de coordination institutionnelle. La médiation interculturelle est présentée ici comme un levier prometteur de cohésion sociale et d’efficacité organisationnelle. L’article propose ainsi une série de lignes directrices pour institutionnaliser ce levier et en faire un instrument stratégique pour les entreprises, afin de donner plus de sens aux politiques d’inclusion.

La médiation interculturelle en emploi

La médiation interculturelle, selon Stalder et Tonti (2014), ne se résume pas à un simple rôle d’intermédiaire ; elle consiste à bâtir de véritables « ponts » conceptuels, institutionnels et culturels. Pour Cohen-Emerique (2015), il s’agit d’un processus d’intervention sociale mené par une personne de confiance, dont la mission est de renforcer le respect mutuel et d’améliorer la relation entre les parties présentes.

La médiation interculturelle est ainsi un instrument de construction de liens sociaux entre les individus et collectivités de cultures (ethniques, professionnelles…) diverses, en tenant compte de la distinction de leurs traditions et de leurs identités (Rentel et Schwerter, 2012). Cette définition exige une approche plurilingue et transdisciplinaire, qui ne se contente pas d’uniquement étudier la langue ou la traduction, mais qui mobilise l’histoire, le contexte social et matériel afin de saisir pleinement les enjeux de la médiation. C’est pourquoi Puccini et coll. (2022) en proposent une définition qui considère la diversité culturelle comme une réalité incontournable dans les sociétés contemporaines. La médiation est dès lors perçue comme un levier pour garantir la cohésion sociale, créer de nouveaux liens au-delà des diversités, encourager la participation citoyenne de tous et promouvoir l’égalité des chances.

Sur ce plan, les médiatrices et les médiateurs interculturels constituent une ressource professionnelle d’une grande importance. Manço, Sidibé et El-Hage (2025) mettent notamment l’accent sur les paramètres à travers lesquels la médiation interculturelle agit. Le premier concerne les éléments déclencheurs de tensions tels que : les problèmes d’adaptations, de communication, d’interprétation, de concurrence, etc. Le deuxième paramètre concerne les qualités des personnes médiatrices comme la capacité d’écoute, de décodage, de communication, de connaissances linguistiques, etc. Le dernier est le contexte socio-économique et institutionnel qui favorise ou non la mise en œuvre d’une médiation.

À ce titre, le marché du travail est dominé par une diversité galopante et la gestion des diversités fait couler beaucoup d’encre. D’un côté, la gestion des conflits générés par les codes sociaux et professionnels en présence, ainsi que les stéréotypes ou idées reçues constituent des sujets de préoccupation. De l’autre côté, la diversité au sein des entreprises représente une opportunité en termes d’innovation et de création de richesse.

La médiation interculturelle est considérée sur le champ professionnel comme un levier de gestion de la diversité et de reconnaissance réciproque. Pour Scheurette et Manço (2021), en entreprise, l’approche interculturelle de la médiation représente un moyen de management de la diversité qui favorise la création des conditions nécessaires à une communication respectueuse entre collègues et avec la hiérarchie, permettant à chacun d’être reconnu et écouté dans ses spécificités, au-delà des normes majoritaires.

Cette pratique peut aussi servir de pont entre systèmes, réduisant ainsi les « bruits multiculturels » à l’origine de tensions et de malentendus au sein des équipes, ainsi qu’en facilitant l’interprétation des codes et d’implicites culturels et professionnels. C’est en ce sens que la médiation interculturelle devient un outil de reconnaissance et de valorisation de la diversité au sein des organisations.

Plusieurs études sur la négociation ou la gestion des conflits au travail soulignent que la médiation est perçue comme un moyen rapide, peu coûteux et équitable, occasionnant satisfaction auprès des parties prenantes (Bollen et Euwema, 2013). Ces avantages permettraient aux entreprises d’économiser les coûts qu’engendrerait une procédure judiciaire. Du reste, les conflits non résolus pourraient entraîner une baisse de motivation dans les entreprises et augmenter les taux d’absentéisme et le turnover.

Au-delà de la gestion ponctuelle des différends, la médiation interculturelle pourrait également engendrer des effets sur la performance des entreprises à moyen et long terme : le sentiment d’intégration et d’accueil favorable au sein d’une entreprise peut contribuer au renforcement des projets professionnels et l’adhésion à la culture d’entreprise.

La médiation interculturelle, bien que facilitant la cohésion sociale, la performance économique et l’innovation au sein des équipes multiculturelles, nécessite cependant l’intervention de spécialistes externes qui restent souvent difficiles à trouver. C’est une action spécifique qui doit adapter toute réponse à la situation envisagée, adopter une démarche proactive, un dialogue continu et générer la confiance entre les parties.

L’insertion professionnelle des immigrés en France : un parcours d’obstacles

Pour les flux migratoires qui ont fait suite à la Seconde Guerre mondiale, il n’existait quasiment pas de mesures spécifiques vouées à l’intégration des immigrés, car ces derniers étaient considérés comme une main-d’œuvre temporaire. C’est dans les années 1980 que l’on a assisté à un changement de paradigme reconnaissant que les immigrés et leurs familles s’établissent de manière durable en France. Cela a entraîné des mesures d’aide à l’intégration professionnelle et sociale.

À partir des années 2000, l’approche de l’intégration des immigrés évolue avec la mise en place, en 2003, du « contrat d’accueil et d’intégration », remplacé, en 2016, par le « contrat d’intégration républicaine » (CIR). Ce dernier a été renforcé en 2019 et constitue aujourd’hui le principal outil d’intégration des immigrés en France. Il prévoit une formation linguistique obligatoire pour ceux qui ne maîtrisent pas le français et un cycle de formation civique. Mais, ces deux orientations demeurent insuffisantes pour assurer une insertion professionnelle de personnes manquant d’expérience et de réseaux.

Les personnes issues de l’immigration continuent ainsi de faire face à de nombreuses difficultés dans le cadre de leur insertion professionnelle. Selon le rapport de l’INSEE (2020), à caractéristiques comparables, la probabilité d’accéder à un emploi pour un immigré en France est deux fois moindre que pour un non-immigré. Cela rend leur taux de chômage (13 %) supérieur à celui de la population générale (8 %). Les femmes immigrées sont plus touchées encore, avec un taux d’activité de 62 %, contre 72 % pour les femmes qui n’ont pas de passé migratoire. La discrimination dans le processus de recrutement en France est ainsi l’une des difficultés qui gangrènent l’accès à l’emploi des personnes immigrées et, notamment, du public d’origine maghrébine et subsaharienne. Cela est illustré par un risque de chômage plus élevé et des déclarations régulières d’emplois injustement refusés (INSEE, 2023). Selon les données de cet institut, 91 % des écarts de chômage chez les hommes immigrés par rapport aux non-immigrés ne s’expliquent pas par des différences de profil. Ce taux est de 34 % pour les femmes.

Trouver un emploi à la hauteur de leurs qualifications est un véritable défi pour les personnes immigrées en France. L’absence d’une politique favorable à la reconnaissance de leurs diplômes étrangers entrave leur accès à de nombreuses professions, en particulier les professions réglementées comme celles du secteur libéral, tel qu’avocat (Institut de l’Entreprise, 2025). Cela rend une partie du marché de travail inaccessible aux personnes issues de l’immigration. Les demandeurs d’asile, par exemple, doivent attendre un délai légal avant d’être autorisés à travailler, contrairement à d’autres pays de l’UE, où ils peuvent accéder à l’emploi dès leur arrivée.

Une intermédiation naissante sur le marché de l’emploi

Face aux nombreux obstacles que rencontrent les personnes migrantes ou d’origine étrangère, un accompagnement spécifique de leur insertion professionnelle est devenu indispensable. C’est une mission que se partagent plusieurs acteurs en France, sous la coordination de l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration (OFII), notamment via le Contrat d’intégration républicaine (CIR).

Le Plan d’investissement dans les compétences (PIC) illustre parfaitement ces efforts. Ce dispositif phare, qui se focalise sur les personnes réfugiées, s’appuie sur trois axes complémentaires. Le premier vise à accélérer l’accès à l’emploi grâce à la médiation avec les employeurs et à des financements spécifiques pour des formations, le tout en coordonnant les acteurs locaux pour une insertion rapide, notamment dans les métiers peu qualifiés en pénurie de main-d’œuvre. Le deuxième axe, porté par des grandes écoles et des associations animées par des bénévoles, met l’accent sur le développement intensif des compétences linguistiques tout en cherchant à créer des communautés accueillantes et inclusives. Le troisième, quant à lui, adopte une approche d’accompagnement global, combinant des formations en alternance dans les métiers qualifiés avec la prise en charge des problématiques périphériques comme le logement ou la mobilité.

D’autres initiatives, à l’image du programme HOPE piloté par l‘AFPA et le ministère du Travail, complètent ce dispositif. Elles visent à orienter les réfugiés vers l’emploi grâce à un soutien complet qui inclut l’apprentissage linguistique, la formation professionnelle et l’accompagnement social pour des questions comme la mobilité ou l’accueil de jeunes enfants. Malgré toute la richesse de cet écosystème, ces mesures semblent souffrir d’un manque de coordination entre les institutions. Surtout, elles ne tiennent pas toujours suffisamment compte des trajectoires et des particularités de chaque personne.

Témoignages des personnes concernées

Pour cette étude, nous avons interrogé plusieurs immigrés nouvellement arrivés, qui nous ont souvent fait part de leurs difficultés à maîtriser les codes sociaux et professionnels français. Au-delà des règles formelles, ils peinent à comprendre les « règles non écrites » de la vie sociale et professionnelle en France, comme la ponctualité, les attitudes attendues en entretien ou encore le rapport à l’autorité.

Un migrant d’origine guinéenne raconte sa confusion : « J’ai été trop fatigué par la différence d’interprétation entre ma culture peule et celle des Français par rapport à plusieurs codes dans ma recherche d’emploi et même après avoir obtenu un travail. Par exemple, chez nous, on nous enseigne de ne pas fixer les yeux des supérieurs d’âge ou hiérarchiques. Cela est un signe d’impolitesse et de mal-éducation. Mais en France, à chaque fois que j’ai baissé la tête quand mes supérieurs me parlaient, ils me demandaient : qu’est-ce que tu caches ? »

Cette attitude, perçue comme un signe de politesse et de bonne éducation dans la culture de l’immigré, est interprétée en France comme de la timidité, un manque de confiance en soi, voire de la suspicion. Ce malentendu met en lumière les problèmes interculturels que Cohen-Emerique (2015) décrit comme un processus ontologique d’attribution de sens. C’est une dynamique de confrontation identitaire qui, si elle n’est pas comprise, peut dégénérer en conflit.

Un autre obstacle majeur est la non-reconnaissance des diplômes étrangers. Nombre d’immigrés diplômés que nous avons interrogés expriment leur frustration face à la difficulté de faire reconnaître leur parcours académique ou professionnel en France. Cette situation les oblige à accepter des emplois précaires et non qualifiés, un véritable déclassement. Un migrant tchadien, titulaire d’un Master en géographie, en est un exemple poignant : « J’ai un Master en géographie obtenu dans mon pays. Arrivé en France, je me suis rendu compte que je ne peux pas exercer un emploi dans mon domaine d’étude à cause de l’absence d’équivalence. J’ai tourné, tourné sans rien. Las, j’ai finalement accepté un job d’aide-maçon dans une entreprise de construction dans laquelle des jeunes sont censés m’enseigner comment monter l’escalier ou comment porter une casquette », migrant d’origine tchadienne.

De même, la non-maîtrise de la langue française est un problème récurrent. Un migrant malien, qui a arrêté l’école en 6e année, témoigne de cette difficulté :

« Je n’ai pas beaucoup étudié, j’ai arrêté l’école en 6e année, suite à mon échec lors de l’examen d’entrée au collège. Dès que je suis arrivé en France, j’ai été accompagné par une association et on nous dispensait des cours de français. Vu que j’avais beaucoup de problèmes dans la tête, des cauchemars liés à mon parcours d’émigrant, je n’ai pas pu assimiler le français. Après l’obtention de mon titre de séjour, l’association m’a dit de me débrouiller seul. Ce qui a compliqué ma recherche d’emploi ».

Ce témoignage soulève la nécessité de la prise en compte de la singularité du parcours de chaque immigré. La faible maîtrise du français limite l’accès à l’emploi, à la formation et constitue un frein à la socialisation dans un pays comme la France.

Bien que difficiles à objectiver, un certain nombre d’entretiens font également état d’expériences de discrimination à l’embauche, souvent fondées sur le nom, l’origine ou la pratique religieuse.

Une migrante marocaine raconte : « Je suis musulmane et je porte le voile sur toutes mes photos. J’ai déposé mon CV dans lequel figurait aussi ma photo (…) dans plusieurs entreprises (…) je n’ai jamais été invitée à un entretien. Le jour où j’ai déposé un CV sans photo (et heureusement aussi, je n’ai pas de nom à connotation islamique), j’ai été invitée à l’entretien ! ».

Cette expérience fait explicitement référence à une discrimination. La personne interrogée se voit explicitement défavorisée en raison de son origine, de son appartenance ethnique et religieuse. Malgré les efforts des pouvoirs publics et les structures de lutte contre les discriminations, force est de déplorer qu’il existe encore de la discrimination à l’embauche en France.

Recommandations

Suite à l’analyse documentaire et au sondage mené dans le cadre de ce travail, il apparaît que l’insertion professionnelle et le maintien en l’emploi des personnes issues de l’immigration en France, et ailleurs, continuent de faire face à de nombreux défis tant au niveau structurel que socioculturel. Pour remédier à ces défis, et ainsi assurer une intégration facilitée des immigrés en France, dans un milieu professionnel apaisé et culturellement diversifié — une richesse profitant à tous — il convient de proposer les recommandations suivantes, en lien avec la pratique de la médiation interculturelle en contexte d’emploi.

Renforcer les compétences linguistiques des immigrés dans un cadre professionnel en créant des modules de formation linguistique contextualisés à l’image des « Berufssprachkurse » en Allemagne ou du programme « SFI » en Suède (cours de langue ayant pour but de préparer les immigrés aux défis de la communication en contexte professionnel). Cela permet de remédier à la barrière linguistique et aussi de maîtriser un vocabulaire enrichi portant sur les concepts et les pratiques du secteur d’activité concerné.

Reconnaître et valoriser les compétences, les diplômes et l’expérience des étrangers en mettant en place une procédure accélérée d’équivalence des diplômes et des dispositifs de validation des acquis de l’expérience adaptés aux immigrés (par exemple, proposer des examens en plusieurs langues). Cela permettrait aux immigrés hautement qualifiés ou expérimentés dans l’artisanat de faire valoir leurs talents et d’éviter les emplois précaires en-deçà de leurs qualifications, comme exprimée par plusieurs témoignages lors de l’étude.

Lutter contre les discriminations à l’embauche, en développant un bilan régulier de l’égalité de l’accès aux entreprises et aux divers échelons de responsabilités, avec une attention accrue pour la transparence des processus de recrutements et de promotions, notamment dans les secteurs en tension.

Accompagner individuellement et durablement les immigrés vers l’emploi en renforçant les dispositifs personnalisés qui pourraient suivre les personnes aidées également après leur embauche, car la stabilisation professionnelle est susceptible de prendre du temps. Les approches locales comme les initiatives HOPE sont des bonnes pratiques à condition d’y renforcer la présence des référents interculturels, ce qui sera une source d’emplois qualifiés pour personnes migrantes polyglottes.

Institutionnaliser la médiation interculturelle en donnant un statut officiel au métier de médiateur interculturel avec formation, reconnaissance professionnelle et financement public à l’image du programme MW Inc en Norvège, qui intègre la diversité à tous les niveaux de l’administration avec des mesures d’accompagnement structurées. Cela concerne les acteurs comme l’État, les secteurs professionnels, les syndicats et les organismes de certification (France compétences, AFPA). Avec des actions concrètes telles que : la création d’un registre officiel décrivant la profession de médiateur interculturel dans le répertoire national des certifications professionnelles ; la mise en place d’une formation diplômante attachée à des référents de compétences précis ; la délivrance d’une certification nationale en fin de formation, avec équivalence pour les médiateurs ayant déjà acquis de la pratique par la validation des acquis de l’expérience ; et enfin, le financement de ces formations à l’aide des instruments tels que le Plan d’investissement dans les compétences.

Enfin, last, but not least, intégrer la médiation interculturelle dans les entreprises, en leur proposant un appui en cette matière, par le biais des partenariats avec des collectivités ou des associations spécialisées en matière d’insertion et d’inclusion, pour gérer – et surtout prévenir – les conflits culturels, à l’instar des « Employers’ Starter Pack » au Portugal, un exemple dans ce domaine.

Conclusion

Ce papier aborde les défis liés à l’insertion professionnelle et au maintien en emploi des personnes issues de l’immigration en France, en adoptant une approche centrée sur la place et le développement de la médiation interculturelle. Les analyses documentaires ainsi que les entretiens menés avec certains acteurs concernés par la question ont mis en évidence les défis structurels tels que les barrières de langue, la non-reconnaissance des diplômes étrangers, la méconnaissance des codes sociaux et la discrimination à l’embauche. Ces obstacles freinent l’intégration durable des immigrés sur le marché du travail français et compromettent leur trajectoire professionnelle, alors que de nombreuses entreprises se déclarent en pénurie de main-d’œuvre.

C’est dans ce contexte paradoxal que la médiation interculturelle s’impose comme un outil stratégique. Bien que peu exploitée, elle pourrait jouer un rôle prépondérant en facilitant la communication et en agissant comme un outil de prévention des conflits, du recrutement à la stabilisation professionnelle.

Toutefois, pour que la médiation interculturelle puisse exercer son potentiel novateur, il est essentiel qu’elle soit institutionnalisée, professionnalisée et intégrée aux politiques publiques d’emploi. Cela nécessite la reconnaissance d’un statut pour les médiateurs, un soutien financier, ainsi qu’une participation des entreprises, grâce à la sensibilisation des employeurs aux avantages de la diversité culturelle au sein de leurs équipes.

Pour terminer, il ne s’agit pas seulement d’insérer des immigrés à l’emploi, mais de concevoir le travail en tant qu’espace-temps de rencontre, d’échange mutuel et de renouvellement de rapports sociaux. Dans cette vision, la médiation interculturelle s’impose comme un levier légitime et durable. Elle trouve tout son sens dans une société européenne marquée par une riche diversité, mais aussi par des défis persistants en matière d’inclusion, et de démographie

Bibliographie

Abdallah-Pretceille M. (2003), Former et éduquer en contexte hétérogène, Paris : Anthropos.

Bollen K. et Euwema M. (2013), « Workplace Mediation : An Underdeveloped Research Area », Negotiation Journal, v. 29, n° 3, p. 329‑353.

Cohen-Emerique M. (2015), Pour une approche interculturelle en travail social. Théories et pratiques. Paris : Presses de l’EHESP.

Manço A. et Scheurette L. (2021), L’inclusion des personnes d’origine étrangère sur le marché de l’emploi. Bilan des politiques en Wallonie, Paris : L’Harmattan.

Manço A., Sidibé A., El-Hage H. (2025), « Médiation interculturelle en emploi : une revue des pratiques », Manço A. et Asselin C. (dir.), Accélérer la mise en emploi des migrants. Immersion, tutorat, médiation, Paris : L’Harmattan, p. 51-70.

Puccini P., Vatz Laaroussi M., Gélinas C. (2022), La médiation interculturelle, Aspects théoriques, méthodologiques et pratiques Milan : Hoepli.

Rentel N. et Schwerter S. (2012), Défis et enjeux de la médiation interculturelle, Lausanne : Peter Lang.

Stalder P. et Tonti A. (2014). La médiation interculturelle. Représentations, mises en œuvre et développement des compétences, Genève : Éditions des Archives contemporaines.

Ansoumane Sidibé