Entre souffrance et transcendance : trajectoires professionnelles des femmes qualifiées exilées

Carine Charvet et Christina Cerfontaine
© Une étude de l’IRFAM, Liège, 2025
Pour citer cette analyse
Carine Charvet et Christina Cerfontaine, «Entre souffrance et transcendance : trajectoires professionnelles des femmes qualifiées exilées », Analyses de l’IRFAM, n°11, 2025.
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Alors que la Belgique, comme de nombreux pays européens, fait face à des pénuries persistantes de main-d’œuvre qualifiée, un paradoxe troublant persiste : des femmes hautement qualifiées, exilées, titulaires de diplômes universitaires et dotées d’une solide expérience professionnelle, peinent à accéder à des emplois correspondant à leurs compétences. Elles se retrouvent souvent confinées à des postes précaires ou sous-qualifiés, bien en deçà de leur potentiel. Ce constat soulève une série d’interrogations majeures : qu’est-ce qui empêche la pleine reconnaissance de leurs qualifications ? Quels mécanismes sociaux, institutionnels et symboliques sont à l’œuvre dans cette déqualification ?
Ce travail s’intéresse aux trajectoires professionnelles des femmes exilées qualifiées en Belgique, à travers une analyse qui croise les dimensions du genre, du statut migratoire et du capital culturel. Il s’agit d’explorer à la fois les obstacles systémiques qu’elles rencontrent — procédures d’équivalence opaques, discriminations multiples, normes genrées — et les stratégies qu’elles mobilisent pour faire face à cette mise à l’écart professionnelle.
L’objectif est double : comprendre les processus de déqualification dans un contexte d’exil, et mettre en lumière les formes de résistance, de résilience ou de réinvention professionnelle que ces femmes mettent en œuvre. À travers une approche empirique centrée sur les récits de vie, ce texte interroge la capacité du capital culturel et social à se reconfigurer dans un environnement hostile, et la manière dont ces femmes parviennent — ou non — à négocier leur place sur le marché de l’emploi belge.
Cette problématique travaillée par l’IRFAM depuis plusieurs années, offre un cadre pour explorer de manière approfondie les intersections entre genre, migration et marché du travail, tout en mettant en lumière les défis spécifiques rencontrés par la population ciblée. Elle permet également d’analyser les mécanismes sociétaux et institutionnels qui contribuent à la déqualification des migrantes et d’examiner les politiques susceptibles d’améliorer leur intégration socioprofessionnelle.
Des clés pour comprendre le contexte
Avant d’analyser les trajectoires professionnelles des femmes exilées hautement qualifiées en Belgique, il est essentiel de situer les enjeux sociopolitiques et institutionnels qui encadrent leur parcours. Cela implique d’interroger plusieurs dimensions fondamentales : quelles sont les origines géographiques et les conditions d’arrivée de ces femmes ? Quels statuts administratifs leur sont octroyés ? Quelles protections légales leur sont assurées contre les discriminations ? Quelle est leur place réelle sur le marché du travail belge ? Et selon quels critères peut-on identifier une situation de déqualification ?
Autant de questions qui permettent de cerner le contexte structurel dans lequel s’inscrivent ces trajectoires individuelles, souvent marquées par une tension entre les compétences réelles détenues par ces femmes et les opportunités — ou les barrières — rencontrées dans leur pays d’accueil. Comprendre ces paramètres est un préalable indispensable pour interpréter les logiques de déclassement, mais aussi les stratégies d’adaptation ou de résistance qu’elles mettent en œuvre face à un système souvent opaque, inégalitaire, et genré.
Vagues migratoires depuis 2015
Au cours des dix dernières années, la Belgique, à l’instar d’autres pays européens, a connu une augmentation significative des flux migratoires internationaux. Ces mouvements s’inscrivent dans un contexte global marqué par des conflits armés, des persécutions politiques, des instabilités économiques, mais aussi par les effets du dérèglement climatique. Ils ne relèvent pas d’une « crise » au sens strict, mais plutôt de dynamiques structurelles et durables de mobilité humaine, qui exigent des réponses systémiques et coordonnées.
Dans ce cadre, la situation des personnes en demande de protection internationale demeure particulièrement précaire. Le processus de demande d’asile, placé sous l’égide du Commissariat général aux réfugiés et apatrides (CGRA), s’avère souvent long, incertain et psychologiquement éprouvant. Les délais d’attente, combinés à une absence de lisibilité des droits et à un accès restreint au marché du travail, créent une insécurité sociale profonde, notamment pour les femmes, dont les parcours sont fréquemment marqués par des violences antérieures et des responsabilités familiales accrues.
L’insertion sur le marché du travail belge constitue un défi majeur pour ces personnes, particulièrement pour les femmes originaires de pays tiers. Plusieurs obstacles structurels entravent leur intégration socioéconomique : barrière linguistique, méconnaissance des codes culturels, discrimination à l’embauche, manque de réseaux professionnels, mais aussi complexité et opacité des procédures de reconnaissance des diplômes étrangers, qui empêchent une valorisation effective des compétences acquises dans le pays d’origine.
Ces facteurs conjugués contribuent à une déqualification systémique de nombreuses femmes exilées, dont le haut niveau de formation ne trouve que rarement un écho dans le pays d’accueil. Une telle situation soulève non seulement des enjeux d’injustice sociale, mais aussi une perte de potentiel humain pour l’économie belge.
Statuts administratifs
Le statut de séjour dont disposent les personnes exilées en Belgique joue un rôle central dans leur capacité à s’insérer professionnellement. Il détermine non seulement l’accès au marché du travail, mais aussi à des services essentiels tels que la formation, les aides sociales ou la reconnaissance des diplômes. Pour les femmes hautement qualifiées, ce statut conditionne ainsi dès le départ leurs marges de manœuvre dans le pays d’accueil.
Lorsqu’une demande de protection internationale est introduite, une attestation d’immatriculation A est délivrée. Ce document temporaire est valable quatre mois, sans droit immédiat au travail. Il peut être renouvelé, et c’est généralement à partir du premier renouvellement que s’ouvre la possibilité d’exercer une activité professionnelle. Cette attente initiale — parfois de plusieurs mois — constitue déjà un premier frein à l’insertion, en particulier pour celles qui souhaitent rapidement mobiliser leurs compétences.
À cela s’ajoute un autre obstacle concret : cette carte A n’est pas électronique. Dans un contexte où de nombreuses démarches administratives, bancaires ou liées à la santé se font en ligne, l’absence de puce électronique rend difficile l’accès à des services de base, comme ouvrir un compte bancaire, souscrire une assurance, ou même obtenir un numéro de téléphone. Ce sont des détails en apparence techniques, mais qui entraînent des conséquences bien réelles sur la vie quotidienne, en particulier pour des femmes isolées ou avec enfants.
À l’inverse, la carte F, délivrée dans le cadre du regroupement familial, donne droit à un séjour plus stable et à un accès complet au marché du travail. Ce statut permet une insertion plus rapide, mais il suppose d’être en lien avec un membre de la famille déjà établi. Il peut aussi créer une forme de dépendance, notamment pour les femmes qui arrivent par l’intermédiaire d’un conjoint, et se retrouvent à la fois administrativement et économiquement liées à lui.
Entre ces deux extrêmes, d’autres statuts existent — protection subsidiaire, statut de réfugiée reconnue, titres humanitaires — chacun avec ses règles, ses délais, ses conditions de renouvellement. Mais dans tous les cas, l’accès à un statut stable est souvent long et incertain, et cette insécurité pèse fortement sur la possibilité de construire un projet professionnel cohérent.
Ainsi, le statut administratif n’est pas un simple cadre légal, il oriente très concrètement les trajectoires. Il peut être une passerelle, ou au contraire, un verrou.
Lois antidiscrimination
La Belgique dispose d’un cadre juridique relativement solide en matière de lutte contre les discriminations, notamment dans le domaine de l’emploi. La loi reconnaît plusieurs formes de traitement inégal et interdit toute distinction fondée sur l’origine, le genre, la religion, l’orientation sexuelle, l’état de santé, la fortune, ou encore les convictions politiques ou philosophiques.
On distingue classiquement deux types de discrimination. La discrimination directe survient lorsqu’une personne est traitée différemment en raison d’une caractéristique protégée, de manière explicite. La discrimination indirecte, plus insidieuse, concerne des règles ou pratiques qui semblent neutres, mais qui produisent en réalité des effets défavorables pour certains groupes. Un exemple souvent cité : l’octroi de primes uniquement aux travailleurs à temps plein, dans un contexte où la majorité des emplois à temps partiel sont occupés par des femmes.
La loi interdit également toute incitation à discriminer, ainsi que les comportements relevant du harcèlement, y compris sexuel, dès lors qu’ils portent atteinte à la dignité d’une personne ou créent un environnement de travail hostile.
Plusieurs institutions sont chargées de faire respecter ce cadre légal : Unia, pour les discriminations liées à l’origine ou aux convictions ; l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, pour les questions de genre ; mais aussi des services de médiation, des associations de défense des droits, ainsi que les juridictions compétentes.
Malgré ce dispositif, les inégalités perdurent dans les faits. Le recours aux mécanismes de plainte reste rare, en particulier chez les femmes migrantes, souvent peu informées de leurs droits, ou découragées par la complexité des démarches. De plus, prouver une discrimination indirecte dans un recrutement ou une progression de carrière demeure difficile.
Ce contraste entre la force du droit sur le papier et la faible effectivité dans la pratique souligne un enjeu central : les lois existent, mais ne suffisent pas. Sans accompagnement, sans soutien ciblé, et sans transformation des représentations collectives, les mécanismes juridiques seuls ne permettent pas de compenser les inégalités structurelles que subissent les femmes exilées.
Égalité de genre et emploi : des écarts persistants
En Belgique, malgré un cadre légal favorable à l’égalité, les inégalités de genre sur le marché du travail demeurent marquées. À temps et qualification équivalents, les femmes gagnent en moyenne 23 % de moins que les hommes Statbel, 2023. Elles sont également sous-représentées dans les fonctions à responsabilité, ne représentant que 7 % des administrateurs dans les entreprises non cotées Institut pour l’égalité, 2022.
Quel que soit leur niveau de formation, leur taux d’emploi reste inférieur à celui des hommes, selon l’enquête sur les forces de travail, et les écarts sont encore plus prononcés pour les femmes issues de l’immigration. Ces dernières font face à une accumulation de freins, parmi lesquels l’inégal accès aux postes qualifiés, un plafond de verre persistant, des écarts salariaux structurels, des normes implicites genrées du leadership, la charge mentale et la double journée, un moindre accès à la formation continue, la discrimination à l’embauche, ainsi qu’un soutien institutionnel perçu comme plus faible.
Ces disparités, souvent invisibilisées dans les discours dominants, ont un impact direct sur le bien-être psychologique, la capacité à se projeter professionnellement et le rapport à l’emploi. Elles pèsent encore plus lourdement sur les femmes migrantes, qui cumulent discriminations de genre, d’origine, et de statut administratif.
Situation des personnes immigrées sur le marché du travail
En dépit du foisonnement de règlements antidiscrimination et de l’existence de structures chargées de garantir les droits fondamentaux, les données statistiques issues du Monitoring socio-économique d’Unia ou encore l’étude Bevers et Gilbert (2017) révèlent une persistance frappante des écarts d’insertion professionnelle entre les travailleuses et les travailleurs migrants, d’une part, et la main-d’œuvre locale belge, d’autre part. Ces écarts figurent parmi les plus élevés de l’Union européenne, ce qui va à l’encontre des ambitions énoncées dans le Plan stratégique « Europe 2020 », censé promouvoir une croissance intelligente, durable et inclusive.
Loin d’être un simple décalage conjoncturel, cette situation s’inscrit dans des dynamiques structurelles. L’articulation entre migration et emploi relève d’un enchevêtrement complexe de facteurs : barrières institutionnelles, segmentation ethnique du marché du travail, mécanismes de discrimination indirecte, ou encore non-reconnaissance des diplômes étrangers. Ces entraves coexistent avec des logiques d’adaptation individuelle, notamment les stratégies mises en œuvre par les personnes concernées pour contourner les obstacles et sécuriser un emploi correspondant à leurs qualifications. Les femmes exilées illustrent particulièrement cette tension entre compétences disponibles et opportunités limitées.
Les travaux récents de Purkayastha et Bircan (2023) révèlent l’existence d’une précarité systémique qui affecte de manière disproportionnée les personnes issues de l’immigration sur le marché de l’emploi en Belgique. Loin d’être marginal, ce phénomène s’observe notamment à travers leur forte concentration dans les secteurs de l’intérim, caractérisés par l’instabilité des contrats, la volatilité des revenus et la faible reconnaissance des qualifications. Cette forme de précarisation n’est pas neutre du point de vue du genre : elle s’accentue sensiblement pour les femmes, à l’intersection de plusieurs logiques de discrimination.
Les autrices soulignent un écart de 10 % entre le taux d’emploi des femmes et des hommes nés à l’étranger, au détriment des premières, alors même que beaucoup d’entre elles présentent des niveaux de formation comparables, voire supérieurs. Ce constat met en lumière les limites des dispositifs de reconnaissance des compétences acquises à l’étranger. L’accès à un emploi qualifié demeure souvent entravé, à la fois par des obstacles institutionnels – comme la non-reconnaissance des diplômes ou des démarches administratives complexes – et par des stéréotypes tenaces qui dévalorisent les savoir-faire des personnes migrantes. Ces freins contribuent à un processus de déclassement professionnel, qui reflète et renforce des inégalités où se conjuguent les discriminations de genre et d’origine.
Procédure de demande d’équivalence des diplômes
La reconnaissance des qualifications obtenues à l’étranger représente une étape cruciale pour toute personne exilée souhaitant valoriser son parcours académique et retrouver un emploi qualifié. En Belgique francophone, cette procédure — gérée par la Fédération Wallonie-Bruxelles — est pourtant complexe, opaque et souvent décourageante.
Il faut se rendre compte que dans un État fédéral comme la Belgique, les compétences en matière d’enseignement et de reconnaissance des diplômes sont réparties entre différents niveaux de pouvoir. Concrètement, cela signifie que les demandes d’équivalence ne sont pas traitées au niveau fédéral, mais au sein des entités fédérées, ce qui génère des délais administratifs importants et une certaine fragmentation dans le traitement des dossiers. Cette structure institutionnelle, couplée à une lourdeur bureaucratique persistante, contribue à ralentir considérablement les parcours d’intégration professionnelle.
Il existe deux types d’équivalences, l’équivalence de grade académique, qui analyse et compare le contenu des formations suivies à ceux dispensés dans les universités belges francophones ; ainsi que l’équivalence de niveau d’études, plus générale, qui valide un niveau de diplôme sans prise en compte du domaine ou de la spécialisation.
Sur le papier, ce système vise à garantir une certaine équité entre les parcours éducatifs. Mais dans les faits, il présente de nombreux freins structurels : coûts de dossier élevés, démarches administratives lourdes, délais d’attente importants, absence quasi totale de transparence sur les critères d’évaluation, et très peu de statistiques publiques. Ces éléments dissuadent de nombreuses personnes, déjà en situation de précarité, de s’engager dans le processus — ou les conduisent à l’abandonner en cours de route.
Cette difficulté est particulièrement marquée dans les secteurs dits « régulés », comme les professions de santé, où les diplômes sont plus difficilement reconnus, malgré une pénurie criante de main-d’œuvre dans ces domaines. Il en résulte une discrimination indirecte mais systémique, qui touche en premier lieu les femmes immigrées, nombreuses à avoir été formées dans le soin, la médecine ou la pharmacie, et pour qui cette non-reconnaissance bloque l’accès à leur métier.
Au final, loin d’être une simple formalité, la procédure d’équivalence constitue pour beaucoup une barrière institutionnelle à l’intégration professionnelle. Elle accentue la déqualification, limite la mobilité sociale et perpétue des logiques d’exclusion fondées sur l’origine des diplômes, au détriment des compétences réelles.
Vers un cadre théorique : liens entre genre, migrations et emploi
Pour interpréter les éléments contextuels abordés précédemment, il est nécessaire d’inscrire notre réflexion dans un cadre théorique articulé autour des intersections entre genre, migration et emploi. Il ne s’agit pas seulement de dresser une liste d’obstacles, mais de comprendre comment les structures sociales, les rapports de pouvoir et les ressources symboliques façonnent les parcours de ces femmes qualifiées en exil.
En premier lieu, l’analyse repose sur la théorie des capitaux de Pierre Bourdieu, adaptée aux trajectoires migratoires par plusieurs chercheuses (notamment Erel, 2010). Le capital social et culturel acquis dans le pays d’origine — diplômes, expérience, réseaux professionnels — constitue souvent un levier puissant de mobilité avant la migration. Pourtant, ce même capital se retrouve fragilisé, voire dévalorisé dans le pays d’accueil, où les critères de reconnaissance sont marqués par un protectionnisme institutionnel et une hiérarchisation implicite des savoirs.
Dans ce contexte, il devient crucial de considérer le caractère évolutif du capital culturel. Comme le souligne Weiß (2005), les individus réactivent, reconfigurent ou transforment leurs ressources selon les opportunités et les contraintes du nouvel environnement. Le rôle des diasporas, des réseaux associatifs ou des structures d’intégration est ici central, bien que la reconnaissance sociale de ces capitaux reste inégalement distribuée — selon le profil individuel, mais aussi selon le contexte politique, administratif et économique du pays d’accueil.
L’approche bourdieusienne doit être croisée avec la perspective de genre. Les normes genrées — intériorisées dès l’enfance et renforcées par la socialisation — influencent fortement les trajectoires professionnelles. Comme le montrent Lovell (2000) et Moi (1991), les femmes issues de milieux où les rôles traditionnels sont dominants disposent souvent d’un capital symbolique moins valorisé que leurs homologues masculins, notamment parce que ce capital est moins visible, plus informel, et restreint à la sphère privée. Le secteur d’activité, la nature du métier et la perception sociale de la féminité dans l’espace professionnel jouent également un rôle dans cette reconnaissance différenciée.
Cette double lecture (capital et genre) converge dans une analyse intersectionnelle des discriminations (Crenshaw, 1989 ; Bonilla-Silva, 1997). Ce que vivent ces femmes ne relève pas simplement d’un sexisme ou d’un racisme isolé, mais d’une combinaison de rapports de domination qui se renforcent mutuellement : origine migratoire, statut administratif, genre, classe sociale… Ces logiques d’exclusion cumulée participent d’une discrimination structurelle, difficile à dénoncer parce qu’elle est souvent diffuse, implicite ou institutionnalisée.
Face à ces contraintes, des stratégies de contournement émergent. Les travaux de Nedelcu (2005), menés auprès de femmes migrantes qualifiées à Toronto, révèlent une variété de tactiques : retour aux études, entrepreneuriat, mobilisation de réseaux communautaires, recours aux services publics, acceptation temporaire d’emplois de survie, voire réémigration. Cardu et Sanschagrin (2002) évoquent aussi des démarches plus personnelles : remise en question des rôles traditionnels, engagement dans des réseaux féminins, ou abandon partiel de certaines références culturelles initiales pour s’adapter au contexte local.
Dans le cas spécifique de la Belgique, les chiffres du Conseil national de l’Emploi (2018) montrent que 21 % des immigré·es non européens sont surqualifiés pour leur poste, contre seulement 13 % des Belges. Ces données soulignent la dimension structurelle de la déqualification, mais aussi sa dimension genrée. Comme le propose Vause (2011), il faut analyser les trajectoires professionnelles en tenant compte du statut socioprofessionnel et du genre, car la notion même de qualification est socialement construite et contextuellement redéfinie.
C’est dans cette perspective que s’inscrit notre approche. En combinant les apports de la sociologie critique, des études féministes et des recherches sur les migrations qualifiées, nous proposons de penser la déqualification non comme un échec individuel, mais comme le produit de logiques structurelles et d’arènes de reconnaissance sélectives. Cela permet non seulement de mieux comprendre les expériences recueillies, mais aussi de formuler des propositions concrètes à destination des institutions et des acteurs de terrain.
Des récits de vie
Afin d’atteindre cet objectif, nous avons réalisé en 2024 onze entretiens biographiques avec des femmes diplômées demandeuses de protection internationale. Ces femmes sont installées en Belgique francophone. L’approche a permis de développer une compréhension approfondie et une comparaison des trajectoires individuelles, afin d’en retirer un enseignement généralisable.
L’approche qualitative offre de mieux saisir la perception du changement socioprofessionnel auprès des témoins, sans se limiter à une évaluation « technique » ou qui pourrait être « belgocentrée » d’un éventuel sentiment de déqualification. En compilant les positions des participantes à l’étude, on obtient une représentation collective des mobilités perçues en termes de prestige et de genre, rendant visibles les repositionnements vécus, afin d’en tirer des renseignements en termes d’accompagnement social.
L’observation permet de constater que face à la déqualification professionnelle subie dans le pays d’accueil, les femmes exilées hautement qualifiées déploient des logiques d’action diversifiées, modelées par leurs ressources individuelles, les aides reçues et les contraintes structurelles. Leurs récits de vie mettent en évidence des points pivots décisifs et révèlent comment, à l’intersection de plusieurs formes de domination — de genre, d’origine et de statut administratif —, elles reconstruisent ou réorientent leur trajectoire socioprofessionnelle. La mobilisation du capital social et culturel, conjuguée à des stratégies d’emploi et à des opportunités d’aide ou d’orientation, structure leurs parcours, dont la diversité peut être pensée à travers trois profils types : celles qui souffrent, celles qui se maintiennent et celles qui transcendent.
Pour des raisons évidentes de confidentialité et de respect de l’anonymat, tous les prénoms utilisés dans les récits qui suivent sont fictifs.
Celles qui souffrent : la blessure identitaire de la déqualification
Pour certaines femmes exilées, la déqualification ne se résume pas à une simple inadaptation professionnelle. Elle prend la forme d’une rupture identitaire brutale, au croisement du déplacement géographique, de la perte de statut, et de la non-reconnaissance des compétences. Le travail n’est pas ici qu’un moyen de subsistance : il constitue un pôle structurant de l’identité sociale, un vecteur de reconnaissance, de pouvoir d’agir, voire de dignité personnelle. Lorsque ce travail est nié, voire effacé, c’est l’ensemble du soi professionnel qui vacille.
Clara, experte-comptable au Burundi, a fui pour raisons politiques. En Belgique, le refus d’équivalence de son diplôme, notamment en raison du lien avec une fonction administrative, l’ébranle profondément. Malgré son expérience solide, elle est maintenue à distance des postes qualifiés. Les seules perspectives qui s’offrent à elle relèvent d’emplois faiblement reconnus. Elle tente de se réorienter, mais reste marquée par l’échec d’un retour à son domaine initial.
Alice, ancienne gynécologue en Syrie, voit son parcours interrompu par la guerre, puis dévalorisé par l’exil. Elle ne parvient pas à faire reconnaître son diplôme en Belgique — une situation fréquente dans la partie francophone du pays — alors que celui-ci est validé ailleurs, en Turquie ou en France. Malgré une formation complémentaire en échographie et une mission associative temporaire, son insertion demeure bloquée. Elle envisage aujourd’hui la réémigration.
Malak, artiste syrienne engagée, peine à inscrire durablement son travail dans le paysage culturel belge. Elle alterne les emplois précaires, reste active dans ses créations, mais ne parvient pas à transformer son art en activité professionnelle stable.
Sandra, docteure en arts tunisienne, fait face à un autre paradoxe : son diplôme est reconnu en France, mais pas en Belgique. Malgré un contexte familial contraignant et des obstacles administratifs, elle continue de chercher un emploi qualifié dans son domaine d’origine.
Toutes ces trajectoires portent la trace d’une non-reconnaissance symbolique : celle d’un savoir, d’une expertise, d’un rôle professionnel autrefois socialement valorisé, devenu ici invisible. Il ne s’agit pas d’un désintérêt pour la reconversion, mais d’un empêchement systémique à transférer des compétences dans un nouvel espace normatif. Le cadre administratif rigide, l’absence de dispositifs de transition adaptés, et la faible lisibilité des parcours étrangers concourent à un déclassement perçu comme injuste, voire absurde.
Ce vécu de déqualification affecte en profondeur leur rapport à elles-mêmes. L’agentivité est présente — elles cherchent, tentent, persistent — mais les ressources ne suffisent pas à contrebalancer la perte de capital symbolique. Sans mécanismes de reconnaissance, ni dispositifs de soutien adaptés, ces femmes demeurent en marge du marché du travail qualifié, souvent dans une forme douloureuse de suspension.
Celles qui maintiennent : résilience et mobilisation des ressources
À rebours des trajectoires marquées par la rupture, certaines femmes parviennent à se maintenir dans une continuité professionnelle, en activant des ressources diverses. Sans occuper nécessairement les fonctions exactes qu’elles exerçaient auparavant, elles réussissent à reconstruire un capital professionnel partiellement équivalent, souvent au prix d’efforts soutenus et de compromis stratégiques.
Leur parcours est traversé par une forte agentivité, appuyée par l’accès — parfois difficile — à des dispositifs de formation, de validation de compétences ou d’accompagnement institutionnel. Elles s’inscrivent dans une dynamique de réinvention progressive, articulée à une vision à long terme.
Amy, sage-femme au Sénégal, fuit son pays en 2017. Son diplôme n’étant pas reconnu en Belgique, elle commence par travailler dans un fast-food, puis intègre un programme de requalification en soins infirmiers, un secteur en forte demande. Cette reconversion permet une forme de continuité dans le champ du soin.
Carine, pharmacienne syrienne, voit son diplôme refusé en Belgique, alors qu’il est reconnu aux États-Unis. Face à l’impasse, elle choisit une autre voie : elle entame un doctorat en sciences de la santé et devient chargée de projet à l’Université de Mons. Ce nouveau parcours lui permet de retrouver une fonction qualifiée, en lien avec ses compétences initiales.
Soline, ancienne vérificatrice des impôts au Rwanda, reprend des études en Belgique après son arrivée. Elle devient éducatrice spécialisée en santé mentale, et travaille dans un centre pour demandeurs d’asile — un secteur où l’instabilité de l’emploi reste forte, mais où elle parvient à se réinscrire dans une logique professionnelle cohérente.
Ces trajectoires montrent comment le capital culturel initial peut être réactivé, voire reconfiguré, à travers des processus de formation, de validation ou d’expérience locale. Elles illustrent aussi une capacité à investir dans l’avenir malgré les contraintes — qu’elles soient linguistiques, financières ou familiales. Il ne s’agit pas d’un retour à l’identique, mais d’un repositionnement social négocié, soutenu par un minimum de reconnaissance institutionnelle.
En creux, ces récits mettent en évidence l’impact tangible des politiques publiques de formation continue et de requalification, dès lors qu’elles sont accessibles. Elles témoignent d’un potentiel de revalorisation des parcours migratoires lorsque les dispositifs sont adaptés et les temporalités respectées.
Celles qui transcendent : redéfinition symbolique du travail
Certaines femmes rencontrées ne cherchent pas à retrouver à tout prix leur position initiale, ni à faire valider leurs qualifications à l’identique. Elles adoptent une autre logique : celle de la réinterprétation symbolique de leur activité, en lui conférant un sens personnel, social ou politique. Le travail devient ici moins un lieu de continuité statutaire qu’un espace de recomposition identitaire.
Ce n’est pas tant le capital professionnel antérieur qui est mobilisé dans sa forme d’origine, que sa traduction dans un nouveau langage symbolique, en adéquation avec les conditions du pays d’accueil. Ces femmes redéfinissent leur utilité sociale en investissant des fonctions liées à la médiation, au lien, à l’accompagnement.
Nanik, linguiste arménienne, parvient à surmonter les effets de la déqualification en devenant interprète assermentée. Son nouveau poste, au sein d’une structure sociale, lui permet non seulement de stabiliser sa situation professionnelle, mais aussi de redonner un sens fort à sa trajectoire migratoire.
Madouce, brillante étudiante en pharmacie à Kaboul, passe par le Japon et l’Allemagne avant d’arriver en Belgique. Faute de reconnaissance rapide de son parcours scientifique, elle se tourne vers le secteur social. Multilingue, elle s’appuie sur cette compétence pour se repositionner dans un rôle d’accompagnement.
Djamila, psychologue venue d’Algérie, a quitté son pays en raison de la stigmatisation liée à son infertilité. Déqualifiée à son arrivée en Belgique, elle mobilise progressivement ses réseaux pour retrouver un emploi, et parvient à stabiliser sa trajectoire tout en redéfinissant son rapport au travail.
Maria, ingénieure ukrainienne, quitte son pays en 2022. En Belgique, elle participe à une activité bénévole et occupe un poste d’assistante en centre d’accueil. Ces expériences, bien que modestes en apparence, lui permettent de valoriser son engagement et ses compétences. En 2024, elle décide de rentrer en Ukraine, où elle devient responsable des ressources humaines dans une entreprise locale.
Ces récits illustrent une forme de réappropriation du travail par le sens, qui compense la perte de prestige initiale. Ce que ces femmes valorisent n’est pas tant la reconnaissance statutaire que l’utilité sociale perçue de leur activité, le sentiment d’agir, d’aider, de tisser du lien. Dans un contexte marqué par la perte de repères, cette capacité à redonner une valeur symbolique à l’emploi constitue une réponse active — parfois silencieuse, mais puissante — à la déqualification.
Ce processus s’accompagne souvent d’une insertion dans les secteurs du social, de l’interculturalité ou de la communication, où leur expérience migratoire devient une ressource. Si cette voie ne garantit pas toujours une stabilité économique, elle permet une reconstruction subjective et l’émergence d’un nouveau capital, plus situé, mais socialement reconnu.
Trajectoires en mouvement : entre transitions et bifurcations
Les profils identifiés — souffrance, maintien, transcendance — ne doivent pas être perçus comme des catégories figées. Ils constituent des points d’ancrage analytiques, mais les trajectoires réelles sont dynamiques, évolutives, marquées par des événements biographiques, des bifurcations imprévues et des adaptations progressives.
Certaines femmes naviguent entre les logiques, en fonction des opportunités qui s’ouvrent — ou se referment — sur leur parcours. Madouce, par exemple, aujourd’hui insérée dans une fonction valorisée, n’exclut pas l’idée de réinvestir un jour son domaine de formation initial. Sandra, quant à elle, envisage toujours la réactivation d’un projet artistique plus en lien avec son expertise d’origine. Ces cas montrent que le repositionnement professionnel n’est jamais totalement linéaire, ni définitivement achevé.
À l’inverse, certaines trajectoires s’enrayent. Des femmes initialement engagées dans un processus de requalification ou d’intégration peuvent être forcées à rétrograder vers des emplois de survie, faute de reconnaissance institutionnelle, d’accès aux droits, ou simplement d’épuisement psychologique. Les bifurcations sont alors moins des choix stratégiques que des réponses à une mise en échec prolongée.
Ce mouvement entre profils témoigne de ce que les sociologues appellent une plasticité biographique : la capacité — mais aussi la contrainte — de devoir sans cesse reconfigurer son parcours, dans un contexte d’incertitude administrative et de fragilité sociale (Martuccelli, 2020). Ces déplacements d’un registre à l’autre sont façonnés par l’interaction entre ressources individuelles, réseaux de soutien et dispositifs d’accompagnement disponibles.
En somme, cette typologie ne vise pas à enfermer les récits dans des cases, mais à rendre visible la diversité des manières dont les femmes exilées qualifiées négocient leur rapport au travail et à la reconnaissance. Elle révèle des formes d’agentivité souvent invisibilisées, mais aussi les limites structurelles à cette capacité d’agir, notamment lorsque l’absence de politiques publiques adéquates laisse l’initiative individuelle seule face à des dispositifs normatifs rigides.
Conclusion et recommandations
Ce travail a mis au jour les logiques de déclassement silencieux que subissent de nombreuses femmes hautement qualifiées exilées en Belgique. À travers les récits analysés, on observe que la déqualification n’est pas seulement une perte de statut professionnel : elle constitue une rupture identitaire brutale, souvent difficile à surmonter. Ce processus ne relève pas d’un simple échec individuel d’adaptation, mais bien d’un faisceau de contraintes structurelles, institutionnelles et symboliques, qui pèsent différemment selon le genre, l’origine, le statut de séjour et le secteur d’activité.
Parmi ces contraintes, la reconnaissance des diplômes étrangers occupe une place centrale. Plus qu’une formalité administrative, elle conditionne l’accès au marché du travail qualifié, influe sur l’estime de soi et cristallise une forme de violence symbolique qui touche d’autant plus durement les femmes que leurs compétences sont invisibilisées dans des domaines historiquement dévalorisés. L’administration de la Fédération Wallonie-Bruxelles, en particulier, est confrontée à une responsabilité aiguë dans ce processus, en raison de procédures perçues comme opaques, longues, coûteuses et souvent inaccessibles. Cette reconnaissance défaillante agit comme une discrimination indirecte fondée sur l’origine du diplôme, renforcée par les biais genrés qui traversent les métiers du care ou de la santé.
Or, les trajectoires de celles qui parviennent à se maintenir ou à se repositionner montrent que, malgré des freins institutionnels persistants, il est possible d’infléchir le destin professionnel de ces parcours. Il ne s’agit pas d’un renversement structurel rendu possible par un accompagnement public systématique, mais d’une mobilisation individuelle forte : capacité d’adaptation, réinvention professionnelle, redéfinition du sens du travail. Ces femmes activent des ressources personnelles et contextuelles — formations, réseaux, dispositifs partiels — dans une logique d’investissement à long terme. Leur agentivité constitue un levier décisif, souvent invisible, dans le franchissement des barrières liées à la non-reconnaissance des qualifications.
Loin d’être anecdotiques, ces récits font apparaître un socle commun de conditions facilitantes, sans lesquelles ces dynamiques de réinvention resteraient marginales. L’analyse révèle ainsi l’importance déterminante de certains facteurs : des rencontres clés avec des professionnels informés, un accompagnement ciblé dès les premiers mois, un accès effectif à des structures de garde d’enfants, mais aussi une orientation claire vers des dispositifs de formation ou de validation des acquis. Autant d’éléments qui ne relèvent ni du hasard ni de la seule volonté individuelle, mais bien de l’existence — ou de l’absence — d’un cadre public structurant.
Cela suppose d’abord une réforme en profondeur des procédures d’équivalence des diplômes, en s’inspirant d’autres pays qui ont intégré des mécanismes plus souples : évaluations combinant examens pratiques et théoriques, jurys composés de professionnels du secteur, périodes de mise en situation professionnelle dans un cadre encadré, et modularisation des étapes. Il est également nécessaire de désenclaver l’information, en créant des guichets unifiés et multilingues, accessibles dès le dépôt d’une demande de protection internationale.
L’accompagnement doit, lui aussi, être redéfini. Plutôt que de conditionner l’accès à l’emploi qualifié à une intégration préalable souvent floue, il convient de proposer des parcours personnalisés d’orientation dès l’arrivée sur le territoire, en lien avec des services spécialisés. Un travail de fond doit aussi être mené auprès des employeurs, pour favoriser une reconnaissance réelle des compétences étrangères dans les pratiques de recrutement. Cette sensibilisation passe par la déconstruction des stéréotypes liés à l’origine des diplômes, mais aussi par la mise en valeur de trajectoires inspirantes, trop rarement médiatisées.
Il est également impératif de prendre en compte la réalité matérielle et domestique des femmes exilées. Faciliter leur insertion suppose d’organiser un accès prioritaire à des structures de garde pour les enfants, de sécuriser leurs parcours de formation et d’emploi, et de mieux articuler les temporalités de l’insertion professionnelle et de la parentalité.
Enfin, aucun de ces efforts ne pourra porter ses fruits sans une production de données systématiques, croisées et sensibles aux effets d’intersection entre genre, origine, niveau de diplôme et statut administratif. En l’absence de telles données, les politiques resteront aveugles à ce qu’elles prétendent corriger.
Reconnaître et maintenir le niveau de qualification de ces femmes ne constitue pas uniquement une réparation symbolique ou un impératif moral. C’est un investissement économique stratégique, un levier d’émancipation individuelle, et un pas vers une société plus juste. Transformer la logique actuelle ne signifie pas en faire davantage pour les migrantes, mais faire autrement : passer d’un système qui trie, suspend ou freine à un dispositif qui accueille, évalue, oriente, et construit la confiance. C’est cette mutation structurelle qu’appellent les voix entendues dans cette recherche.
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