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Accessibilité des places en crèche et problématique du « non-recours » aux services : femmes migrantes avec enfants

Charlotte Poisson

© Une analyse de l’IRFAM, Liège, 2024.

Pour citer cette analyse
Charlotte Poisson, « Accessibilité des places en crèche et problématique du « non-recours » aux services : femmes migrantes avec enfants », Analyses de l’IRFAM, n°2, 2024.

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Nombreuses sont les études qui mettent en avant la sous-représentation d’enfants issus de familles d’origine étrangère dans les milieux d’accueil des pays européens et extra-européens. Plusieurs explications sont avancées pour comprendre cette situation : niveaux de revenus plus faibles avec une impossibilité de faire face aux coûts que représente la garde en crèche, niveau de qualification plus bas (moins bonne maîtrise de la langue du pays d’accueil, absence de connaissance des démarches à accomplir, manque d’informations, etc.) et taux d’emploi plus bas des mères. Les services de garde d’enfants profiteraient de ce fait davantage aux familles issues de la classe moyenne ou supérieure, alors même que les bénéfices (en termes de socialisation et d’éducation) retirés par la fréquentation d’un milieu de garde de qualité seraient plus élevés pour les familles vivant en situation de précarité ou issues des migrations (Vandenbroeck, 2021, p. 3).

Cette analyse traite de la question de la faible accessibilité des milieux d’accueil de la petite enfance en Belgique francophone qui a pour corollaire le non-recours à ces services et les conséquences de cette situation en termes d’inégalités sociales et économiques pour les femmes migrantes, mamans d’enfants en bas âge. En s’appuyant sur les expériences et témoignages d’une quinzaine de mamans migrantes d’enfants d’un à 16 ans ayant, ayant toutes vécues des problèmes de garde d’enfant, ce texte traite des questions d’accessibilité, de confiance et met en lumière les solutions autogénérées par les mamans elles-mêmes.

Pourquoi les parents immigrés ne mettent-ils pas leurs enfants en crèche ?

Question rhétorique, c’est pourtant la première qui peut venir à l’esprit lorsque l’on constate le manque de représentativité des enfants de parents migrants dans les milieux d’accueil de la petite enfance en Belgique francophone. « À Bruxelles, seulement 14 % des enfants ayant des parents non belges fréquentent les services de garde subventionnés, alors que leur proportion dans la population est de 46 % » (Vandenbroeck, 2008, cité par Wagener et al., 2022, p. 86). Il y a lieu de se demander pourquoi une telle situation perdure et comment amorcer les conditions de changement pour permettre une plus grande représentativité des enfants de toute origine dans les milieux d’accueil.

Accessibilité et non-recours aux milieux d’accueil

Avec la réforme des milieux d’accueil de la petite enfance (MILAC) lancée en 2019, les pouvoirs publics s’emparent (enfin) de la question de l’accessibilité et s’interrogent sur le « non-recours » aux services proposés par l’ONE, sujets trop longtemps délaissés par ces derniers, selon la journaliste de Médor Céline Gautier dans son enquête « La crèche, un puissant lieu de pouvoir » (2023). La Fédération Wallonie-Bruxelles a souhaité, par cette réforme « améliorer la qualité et l’accessibilité des milieux d’accueil dans une logique inclusive, universelle et de réduction des inégalités d’ici 2025 »[efn_note]Le Guide social, « Petite enfance : les structures non-conventionnées peuvent accéder aux subsides », 5/04/2022.[/efn_note]. C’est ce que pointe également le rapport de Wagener et al. (2022) commandité par l’ONE qui tente de mieux comprendre le phénomène du non-recours aux services d’accueil temps libre et aux milieux d’accueil. « Les facteurs explicatifs de ce phénomène restent mal connus dans la mesure où les familles concernées sont “non captives” des services et, de fait, invisibilisées » (Wagener et al., 2022, p. 8).

La question du non-recours aux services organisés et coordonnés par l’ONE est liée à la question de leur accessibilité, elle-même liée à la manière dont s’agencent ces services les uns avec les autres. « La qualité et l’accessibilité sont indissociables en vue d’atteindre l’équité : offrir un accueil dont la qualité est réservée à un petit nombre de familles produit de la discrimination et renforce les inégalités (…) l’accessibilité sans la qualité annule les bénéfices de la fréquentation d’un lieu d’accueil ; or, ces bénéfices sont potentiellement énormes, en particulier pour les familles fragilisées. » (Wagener et al., 2022, p. 11). Pourtant des études montrent que les enfants vivant dans des familles à bas niveau socio-économique et/ou issues de l’immigration sont moins représentés dans les milieux d’accueil 0-3 ans que les enfants de familles de classes moyennes ou supérieures (Vandenbroeck et Geens, 2011, cité par Wagener et al., 2022).

Les familles migrantes avec enfants, en demande d’asile, réfugiées ou en attente d’un titre de séjour, hébergées en structures collectives, rencontrent des problématiques spécifiques et ne sont pas toujours à même de répondre aux exigences des lieux d’accueil de la petite enfance1. Le rapport Wagener et al. (2022) fait référence à des « barrières invisibles » qui sont autant de freins au recours des parents migrants aux milieux d’accueil tels que « les présupposés dominants des services monoculturels ou les représentations sociales de ces services chez les immigrants » (Vandenbroeck, 2007, cité par Wagener et al., 2022, p. 87). Comme il existe une culture d’entreprise, il existe une « culture des crèches » située, qui fait référence aux normes occidentales en termes d’éducation et de parentalité. Il s’agit d’autant d’habitudes, de manières d’être et de faire dominantes et à tort estimées partagées par toutes les personnes qui fréquentent la crèche et même par les professionnelles qui y travaillent. Ces « conflits de représentations » pointent, entre autres, le poids des stéréotypes2 que les milieux d’accueil sont susceptibles de véhiculer (Wagener et al., 2022, p. 88). Nour rapporte se sentir à l’aise de laisser son enfant dans une halte-accueil pour différentes raisons :

« J’aime bien cette halte-accueil. Je peux amener le repas du midi pour mon enfant, je sais qu’on lui donnera sans juger. Il y a des puéricultrices avec un voile, je me sens plus proche. Je suis toujours bien accueillie ici, je peux poser des questions ».

Nour accorde sa confiance à ce milieu d’accueil dans la mesure où celui-ci porte une attention particulière à la dimension interculturelle de l’accueil des enfants. D’une part, les parents peuvent apporter la nourriture souhaitée sans se sentir jugée (interdits alimentaires, nourriture hallal…) et d’autre part, Nour dit se sentir « proche » des puéricultrices, car certaines lui ressemblent (port du voile entre autres). La ressemblance envers certains membres du personnel peut engendrer en effet une hausse de confiance a priori (théorie de l’identité sociale développée par Tajfel et Turner, 1986), bien que celle-ci puisse aussi se gagner, plus lentement, en faisant connaissance petit à petit avec les professionnelles du milieu d’accueil. La prise en compte des particularités culturelles est importante, mais non suffisante comme le rappel Lili Manni (2002, citée par Genette et al., 2023) « elles ne constituent que le “cadre” au sein duquel il convient ensuite de décoder, de comprendre avec justesse une trajectoire particulière : celle de la famille que l’on a en face de soi, et singulièrement de la relation entre cette mère-là et cet enfant-là ».

La question de la confiance dans le système d’accueil

Les mamans interrogées nous ont confié n’avoir encore jamais mis leurs enfants en stage pendant les vacances scolaires. Faute d’informations, de connaissances sur le fonctionnement des stages, de témoignages de personnes proches ayant déjà mis leurs enfants en stage, entraînant une certaine méfiance à l’égard du système d’accueil de l’enfance tel qu’il est organisé en Belgique. Elles n’ont tout simplement pas eu recours à la possibilité qu’offraient les stages pour occuper leurs enfants pendant les vacances. La question posée par une maman aux puéricultrices lors d’une visite d’une crèche dans le cadre d’une formation témoigne de cette méfiance en mettant en exergue une situation extrême et rare : « Et s’il se passe quelque chose de grave avec mon enfant, un accident… ? Vous faites quoi ? Vous appelez une ambulance ? Vous me prévenez ? » Ces doutes témoignent d’une méfiance face à l’institution faute de connaissances et de familiarité. Ce sentiment, conjointement à celui de la crainte de comportements racistes potentiels envers leur enfant, participe au fait que les parents migrants sont moins enclins, lorsqu’ils en ont la possibilité, à confier leurs enfants dans les milieux d’accueil de l’ONE. Salima, maman d’origine subsaharienne rapporte cette crainte lorsqu’elle a déposé sa fille pour la première fois dans une crèche communale :

« Cela faisait des mois que je cherchais une place en crèche, j’appelais toutes les semaines la commune, ils ont fini par bien me connaître. J’ai enfin eu une place en crèche et là j’ai été prise d’une peur qu’il y ait des actes racistes à la crèche envers ma fille. Mais j’ai vu que tout allait bien, ma fille était contente d’y aller et j’ai vu comment les accueillantes lui parlaient. J’ai été rassurée ».

Cette crainte est légitime pour les parents d’origine étrangère confrontés au quotidien à des discriminations dans différents domaines et un travail de sensibilisation et de formation à l’interculturalité du personnel des milieux d’accueil participerait à augmenter le taux de confiance dans l’institution3.

La majorité des mamans rencontrées mettent en avant leur préoccupation de « socialiser » leur enfant et souhaitent multiplier les expériences où celui-ci pourrait rencontres d’autres camarades de leur âge, entendre et parler français, développer toute une série d’apprentissages bénéfiques à leur épanouissement.

« Je pense que ce serait bien pour mon enfant s’il va à la crèche. Comme ça il voit d’autres enfants, il entend le français, ça lui fait du bien. » Charlène, maman d’une enfant d’un an, sans place en crèche.

« Les fonctions éducative et sociale, pour autant que les milieux d’accueil soient de qualité, bénéficient principalement aux enfants issus des classes populaires, a fortiori lorsqu’ils sont issus des immigrations, ce n’est pas nécessairement à ces derniers que les critères de priorité permettent d’attribuer les places disponibles » (Wagener et al., 2022, p. 138). Au-delà de permettre une insertion sociale et professionnelle, les milieux d’accueil de la petite enfance ont des fonctions intégratrices pour les parents immigrés, participant à rééquilibrer certaines inégalités. Cependant, faute de place et de possibilité d’accueil en crèche, les mamans immigrées monoparentales disposent de moins de ressources encore que d’autres parents confrontés à la même situation et se verront dans l’impossibilité de s’investir dans une formation et de trouver un emploi sur le long terme.

Sentiment d’isolement et manque d’informations

Plusieurs femmes migrantes rencontrées témoignent de leur sentiment d’isolement lorsqu’elles sont devenues mamans en Belgique. Loin de leur famille qui aurait pu les soutenir ou prendre le relais à certains moments ou ayant un réseau social restreint en Belgique. Ces mamans expliquent qu’elles auraient apprécié recevoir davantage d’informations sur le fonctionnement de l’accueil de la petite enfance en Belgique. Alma explique sa charge familiale alors qu’elle ne « connaissait rien à la Belgique » :

« Ce sont les mamans qui gèrent le plus souvent les enfants, surtout quand ils sont bébés. Les papas disent qu’ils ne peuvent pas communiquer avec eux, ça les ennuie. Je n’ai pas ma famille ici. Je me suis retrouvée très seule avec mon bébé. Je restais toute la journée à la maison, sans sortir, sans rien connaître dans la ville. Je ne savais même pas que les autres femmes faisaient garder leurs enfants. C’est ma voisine qui me l’a dit un jour. Il faut donner des informations aux mamans étrangères pour leur dire où elles peuvent aller avec leurs enfants, expliquer ce que ce sont les crèches, comment faire pour s’inscrire. »

Ce manque d’information qui engendre une inégalité d’accès aux milieux d’accueil de la petite enfance et aux activités extra-scolaires est d’autant plus prégnant que « l’organisation des écoles renforce certaines inégalités quant à l’accès à la culture, aux activités extrascolaires qui sont éprouvées comme autant d’injustices par les parents. Plusieurs parents n’ont simplement pas les moyens pour inscrire leurs enfants dans des activités diverses et payantes. Nombre de parents sont dépendants des activités que l’école et les acteurs associatifs mettent en place, car ils n’ont pas les moyens pour investir dans des clubs de sport ou d’autres activités privées », souligne Wagener (2013). Lydia, maman de deux garçons de 5 et 7 ans témoigne de cette réalité :

« Je regarde partout dans la ville, les affiches, les activités pour les enfants. Je vérifie l’information et je la donne à mes copines, mamans elles aussi. Quand on est maman, on pense à l’avance, on cherche les activités à faire avec les enfants pendant les vacances. Mais quand on ne comprend pas bien le français, tout est plus long et compliqué. On ne sait pas où chercher, on doit bien comprendre ce qui est écrit et on vérifie si ça coûte cher ou pas ».

Il est regrettable de constater l’absence de la préoccupation de la garde d’enfants dans le Mémorandum 2024 des CPAS wallons (alors que cet enjeu figure bien dans le Mémorandum des CPAS bruxellois) alors que nombre de témoignages récoltés auprès des mamans monoparentales expriment des expériences de conditionnalités de leur participation socioprofessionnelle et en particulier d’accès à certains emplois soutenus par le CPAS au fait de trouver préalablement une crèche à leur enfant. Cette matière est également absente des contenus des formations à la citoyenneté en Wallonie et à Bruxelles obligatoires pour les personnes primo-arrivantes dans le cadre du parcours d’intégration, bien que l’on puisse trouver quelques informations théoriques sur les milieux d’accueil à Bruxelles par exemple, sous la rubrique « S’épanouir en Belgique : infos utiles ». Pourtant, c’est une préoccupation majeure pour les parents qui viennent d’arriver en Belgique, ne connaissent pas le fonctionnement de l’accueil de l’enfance, et vont être amener à chercher du travail ou une formation qui leur demandera d’avoir trouvé au préalable une solution de garde pour leur enfant. Le modèle des Maisons d’Enfants développé par Actiris est ici intéressant à souligner en cela qu’il intègre les obstacles les plus fréquents à l’insertion des parents en général et des femmes en particulier et tente de répondre à un besoin occasionnel de garde d’enfants bien que souvent urgent.

Quelles solutions autogénérées par les mamans migrantes ?

Nous avons demandé aux mamans rencontrées pour cette recherche si elles avaient trouvé des solutions à leur problème de garde d’enfants et si oui, lesquelles. Il est intéressant de constater que les solutions adéquates ne sont pas toujours celles telles que proposées par les autorités publiques et les institutions compétences en la matière, comme l’ONE. Les formules types « baby-sitting » à domicile sont souvent privilégiées, car elles combinent plusieurs éléments recherchés par les mamans : la confiance (1), connaître les personnes qui vont garder leur enfant ; la flexibilité4 (2), pouvoir choisir quels jours faire garder son enfant en permettant une certaine flexibilité horaire ; la proximité géographique (3) en sachant que les mamans habitent relativement proche l’une de l’autre, et enfin la limitation des coûts (4), s’agissant d’échanges de services (Eremenko et al. 2017, p.220). C’est ce qu’explique Sylvie :

« Ce dont j’avais besoin pour mes enfants, c’était de pouvoir les faire garder quelques jours par semaine, pas toute la semaine. Je devais pouvoir me rendre à des rendez-vous administratifs et pouvoir accepter un travail à temps partiel. Alors, avec d’autres mamans que je connaissais, on garde les enfants des unes et des autres, à la maison, un jour par semaine. On est trois, il y a quatre enfants et on les garde à tour de rôle. »

Dans le même ordre d’idée, Kristina est inscrite sur un groupe Facebook d’entraide de mamans qui proposent des baby-sittings : « Je peux dire si j’ai besoin de faire garder mon enfant. Une maman répond qu’elle peut me le prendre. Je l’amène chez elle ou elle vient chez moi. Je la paye un peu. C’est un groupe où on se connaît et on s’aide comme ça. »

Le fait de « se connaître » ou de connaître la personne qui va garder les enfants, que cette caractéristique soit véritable (amies, famille) ou supposée (parler la même langue, être de la même origine…), est un facteur déterminant qui décidera les mamans migrantes à laisser leur enfant à une personne ou à un milieu de garde.

« Moi j’ai finalement trouvé une crèche maison[efn_note]Une gardienne privée reconnue par l’ONE.[/efn_note]pour mes enfants. J’ai eu le numéro de téléphone par une amie qui connaissait la dame. Elle parlait arabe, je l’ai appelée, nous nous sommes rencontrées et le contact est bien passé. Ça m’a sauvé, car j’avais eu deux enfants en trois ans et chaque fois cela m’empêchait de reprendre une formation ou de trouver un travail. » Houria, maman de deux enfants en bas âge.

Les solidarités entre personnes concernées par une même situation, entre femmes, entre voisines sont également privilégiées, mais ne peuvent remplacer la recherche par les autorités publiques de solutions institutionnelles, pérennes et collectives pour ces mamans.

« Quand je suis arrivée en Belgique, j’étais sans-papiers avec un enfant d’un an et demi. Je devais travailler, mais je n’avais pas de solution de garde. J’ai trouvé un travail dans le nettoyage et je commençais à cinq heures. J’ai demandé à une voisine de m’aider. Elle a accepté, elle venait chez moi garder le petit. Je la remercierais toute ma vie. Je la payais un peu bien sûr, mais elle m’a vraiment aidé sinon comment aurais-je fait ? »

Conclusion

Il serait nécessaire de renforcer et d’encourager l’« interconnaissance » entre parents migrants et milieux d’accueil en proposant, par exemple, des visites guidées des milieux, des journées de découverte en partenariat avec des centres d’insertion socioprofessionnelle, des CPAS, des cours de langue, des associations de migrants, des lieux de culte… D’intégrer dans le parcours d’intégration destiné aux primo-arrivants des visites des milieux d’accueil de la petite enfance, etc. Ce qui nous amène à affirmer qu’une volonté de soutien à l’intégration sociale et à l’insertion professionnelle des femmes migrantes passe nécessairement par une remise en question des pratiques actuelles en termes d’accueil de la petite enfance et par une ouverture à des solutions innovantes, atypiques et autogénérées qui correspondraient davantage aux besoins des mamans.

C’est ce que souligne Dubois, qui pointe le manque de soutien apporté aux initiatives innovantes ou atypiques qui émergent en Fédération Wallonie-Bruxelles face à l’enjeu central de la perpétuation du manque de places en crèche. Ces structures innovantes ont souvent un fort ancrage local. Les conditions d’accueil qu’elles proposent sont établies en fonction des caractéristiques de ce territoire afin de répondre au mieux et au plus proche des besoins et préoccupations des publics concernés. « On assiste à un renversement de perspective dans la définition de la qualité des pratiques d’accueil. La question n’est pas uniquement de définir les conditions nécessaires auxquelles on ne peut déroger pour assurer un accueil de qualité, mais plutôt de définir et d’assurer la qualité de l’accueil compte tenu des conditions disponibles. Le point de départ est la situation de l’enfant et de sa famille (par exemple, la structure familiale, les contraintes professionnelles des parents) » (Dubois, 2016, p. 11).

Il s’agit également de faire confiance aux solutions autogénérées par les mamans. On voit que les micro solutions alliant confiance, connaissance, solidarité et flexibilité sont préférées. Alors, pourquoi ne pas davantage soutenir des micro initiatives de type baby-sitting en mettant à la disposition des parents un local communal et une puéricultrice/accueillante chargée d’un nombre restreint d’enfants et de l’encadrement de bénévoles, en favorisant des microformations d’accueillantes de la petite enfance comme elles se donnent dans certains centres d’accueil de la Croix-Rouge, en soutenant les centres de formation qui proposent conjointement à leur cours des haltes-accueil, en interpellant les entreprises qui pourraient prendre une partie de la charge de la création de places d’accueil… La multiplication de ces initiatives participe à rendre la société plus inclusive pour les familles monoparentales.

Bibliographie 

Dubois A., (2016), « Pourquoi l’offre d’accueil de la petite enfance reste-t-elle insuffisante ? », Bruxelles, CERE.

Eremenko T. et al., (2017), « Organiser la garde des enfants quand on est mère seule : une spécificité des mères immigrées ? », Revue française des affaires sociales, n°2, pp. 207 à 228.

Genette C. et al. (2023), La petite enfance au défi du genre en contexte interculturel, Rapport intermédiaire, ONE Academy.

Vandenbroek, M., (2021), « Les lieux d’accueil et d’éducation du jeune enfant qui peuvent faire la différence », Université de Gand.

Wagener et al., (2022), « Non-recours aux services d’accueil temps libre et aux milieux d’accueil de l’ONE », Bruxelles, ONE.

Wagener, M., (2013), « Les femmes monoparentales face aux inégalités d’accès aux activités extrascolaire », Analyse n° 15, RIEPP, Bruxelles, Louvain-la-Neuve.

© Photo: Unsplash Gabe Pierce


Notes

  1. Par exemple, nécessité d’avoir un titre de séjour valable pour valider l’inscription en crèche, problème de mobilité avec des hébergements situés en zone rurale et l’absence d’un moyen de transport personnel ou de transport en commun, système d’attribution des places en crèches qui donne (parfois implicitement) la priorité aux parents en emploi, changement possible de lieux d’hébergement indépendamment de la volonté des résidents…
  2. Dans le rapport au corps : remarques négatives des professionnelles sur la façon dont les mères s’habillent ou sur les bijoux qu’elles font porter aux enfants, dans le rapport aux horaires : le non-respect des horaires étant interprété par les professionnelles comme une forme de résistance aux normes (Wagener et al., 2022, p. 88).
  3. Certains milieux d’accueil portent une attention particulière à l’interculturalité, tels que la Halte accueil de La Bobine à Liège, Les P’tits Bouts du Monde à Seraing. Ces deux structures sont également des centres de formations en français langue étrangère et proposent une série d’autres accompagnements pour les primo-arrivants.
  4. Soulignons l’initiative des « Bébébus » qui sont des haltes-accueil itinérantes qui sillonnent les différentes communes des Provinces wallonnes pour proposer un accueil collectif aux enfants de 1 à 3 ans un jour par semaine. Le projet se concrétise par un minibus qui emmène chaque jour les accueillantes et le matériel nécessaire vers un local communal autorisé par l’ONE, pour installer « une crèche d’un jour ». Ce projet permet « de lutter contre l’exclusion sociale en permettant aux parents de sortir de l’isolement, de retrouver du temps pour eux et de faciliter l’articulation entre vie familiale et vie sociale et professionnelle ». Les Bébébus remplissent des besoins non couverts par des milieux d’accueil plus classiques, permettent un accueil occasionnel, mais un accueil tout de même en contre-pied d’une organisation des crèches exigeant souvent d’occuper une place « à temps plein ».

Charlotte Poisson