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Avantages et inconvénients des contrats « article 60 » pour les travailleurs étrangers

Carlo Caldarini
© Une analyse de l’IRFAM, Liège, 2021

Pour citer cette analyse
Carlo Caldarini, « Avantages et inconvénients des contrats « article 60 » pour les travailleurs étrangers », Analyses de l’IRFAM, n° 9, 2021.

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En 2019, plus de 11 000 personnes ont été mises au travail en Wallonie dans le cadre de l’article 60 §7 de la loi organique des Centres publics d’action sociale (CPAS) du 8 juillet 1976. Si l’on inclut la Région de Bruxelles-Capitale et la Flandre, cela représente environ 23 000 personnes mises en emploi sur un total de 240 000 ayants droit potentiels. Si « l’article 60 » est parfois critiqué quant à ses finalités, cette analyse vise à attirer l’attention sur ses implications en matière de droits des étrangers, selon trois problématiques majeures : la nationalité, le regroupement familial et le droit au séjour.

Après avoir brièvement expliqué la nature et les spécificités de cette relation de travail particulière, nous essayons de faire le point sur les avantages et les inconvénients qui peuvent lui être attribués. Il s’agit surtout de savoir si, pour des personnes d’origine étrangère, un contrat « article 60 », pourrait constituer une voie valable pour une situation plus stable, sur le plan tant des droits des étrangers que de l’emploi.

Mise en contexte

L’article 60 est un dispositif permettant aux CPAS de procurer un emploi à une personne éloignée du marché du travail. Il s’adresse uniquement à certaines catégories d’usagers (les bénéficiaires d’un revenu d’intégration ou d’une aide sociale équivalente) et a pour objectif de réinsérer les personnes dans le circuit du travail et de les réintégrer dans le régime de la sécurité sociale. Pour cela, les CPAS reçoivent une subvention des autorités publiques fédérales pour toute la durée de la mise à l’emploi et bénéficient en tant qu’employeurs d’une exemption des cotisations patronales.

Initialement (1976), la mise au travail avait été conçue uniquement comme un dispositif permettant la réintégration du bénéficiaire dans le système de sécurité sociale, le CPAS assumant le rôle d’employeur pendant le temps nécessaire pour bénéficier des allocations de chômage. L’article 60 était de ce fait présenté comme « un ascenseur vers le chômage ». Cet objectif est toujours valable et détermine la durée maximale de la relation de travail qui, encore aujourd’hui, ne peut pas dépasser le temps nécessaire pour acquérir des droits de sécurité sociale.

À partir de 1999, ses objectifs ont été élargis, la loi autorisant dorénavant le subventionnement des mises à l’emploi réalisées dans le but d’acquérir l’expérience professionnelle nécessaire à l’accès au marché du travail. L’ouverture du droit aux allocations de chômage est présentée en second plan et l’article 60 devient aussi « un ascenseur vers l’emploi ».

Lorsque l’expérience ne se traduit pas, dans l’immédiat, par une intégration effective dans le monde du travail, la personne aura au moins acquis le statut social de « travailleur » lui permettant de bénéficier d’une allocation d’assurance (le chômage) et non plus d’assistance, ainsi que des instruments de soutien et d’activation normalement réservés aux demandeurs d’emploi.

Ce n’est pas un détail. Une des particularités négatives de ce type de relation de travail est en effet qu’elle est souvent considérée plus comme une forme d’aide sociale que de travail. Par conséquent, les personnes travaillant dans le cadre de ces contrats sont souvent vues comme des « assistés » plutôt que comme des « travailleurs ». Avec tout ce que cela implique, en termes de connotation négative, pour les perspectives d’intégration professionnelle et d’évolution de carrière. Cela est sans doute le résultat d’un certain flou de la législation (Wautelet, 2017 ; Castaigne, 2020, 11), mais aussi de préjugés et d’un manque d’information.

À partir du moment où le même contrat est signé et devient opérationnel, le CPAS agit à toutes fins utiles comme un employeur, et le bénéficiaire comme l’un de ses employés, que la personne soit occupée dans les services du CPAS ou mise à disposition d’un « utilisateur » externe1.

Enfin, il importe de rappeler que l’article 60 n’impose pas au CPAS l’obligation de prendre à son service toute personne répondant aux conditions. Le CPAS doit apprécier l’opportunité de cette forme d’insertion socioprofessionnelle, en tenant compte de l’intérêt qu’elle représente pour la personne concernée, mais également de la possibilité d’utiliser réellement cette personne, compte tenu de l’organisation et des besoins de ses services. Il s’agit, en d’autres mots, d’une « obligation de moyens et non de résultats » (Mormont et Stangherlin, 2011, 41).

Nationalité

Dès l’âge de 18 ans, le Code de la nationalité belge distingue trois catégories principales d’étrangers :

  1. Les personnes nées en Belgique et y résidant légalement depuis leur naissance.
  2. Les personnes résidant légalement en Belgique depuis au moins cinq ans.
  3. Les personnes résidant légalement en Belgique depuis au moins dix ans.

Pour la deuxième catégorie, une des conditions d’accès à la nationalité belge est de « prouver sa participation économique […] en ayant presté au moins 468 journées de travail au cours des cinq dernières années en tant que travailleur salarié ». Jusqu’en 2017, les journées de travail prestées en vertu de l’article 60 n’étaient pas prises en compte aux fins de la nationalité, comme si ce type de contrat ne participait pas du « travail réel », sous prétexte que « les CPAS sont exemptés du payement de cotisations patronales ».

En janvier 2017, le Tribunal de première instance du Hainaut (Mons)2 a rejeté cette interprétation restrictive, déclarant ainsi les jours travaillés dans le cadre d’un contrat article 60 également comme recevables aux fins de la nationalité (Wautelet, 2017).

À partir de cette jurisprudence, en principe, cet obstacle aurait dû être levé. Cependant, un contrat de travail de 468 jours (soit 18 mois), au titre de l’article 60, est en fait considéré par l’Office des étrangers comme valable, mais insuffisant. Les associations qui s’occupent de cette question conseillent donc aux personnes concernées de ne pas présenter une demande de nationalité avec « seulement » 468 jours de travail, si ceux-ci ont été exercés uniquement au titre de l’article 60. Selon quelques témoignages recueillis pour les besoins de la présente analyse auprès de bénéficiaires et de travailleurs de l’insertion, les personnes qui ont travaillé uniquement avec des contrats article 60 doivent en pratique prouver deux années de travail (624 jours), au lieu des 468 jours normalement requis.

Regroupement familial

En Belgique, la personne qui souhaite introduire une demande de regroupement familial doit généralement apporter, entre autres, la preuve qu’elle dispose de « moyens de subsistance stables, réguliers et suffisants » pour subvenir à ses propres besoins et à ceux des membres de sa famille et ne pas devenir une « charge pour les pouvoirs publics ». Ses revenus doivent au moins être équivalents à 120 % du revenu d’intégration (c’est-à-dire 1629 EUR net par mois au 1er juillet 2020). Il est évident que les travailleurs occupés de manière occasionnelle et faiblement rémunérée ont peu de chances d’atteindre ce seuil. Qui plus est, encore une fois, force est de constater que pour l’administration tous les revenus ne sont pas égaux.

Outre les revenus professionnels traditionnels, qu’ils soient salariés ou indépendants, les revenus provenant d’un intérim qui a été exercé pendant au moins un an ou qui a suivi une période de chômage sont pris en compte, ainsi que les prestations d’invalidité (allocation de remplacement de revenu, allocation d’intégration et allocation d’invalidité) ; ainsi également que les allocations de chômage, si le demandeur fournit « la preuve qu’il recherche activement un emploi ou qu’il est exempté d’une telle recherche active ».

Quant aux revenus non pris en compte par l’Office des étrangers, ceux-ci comprennent les revenus d’intégration, l’aide sociale et, surtout, dans notre cas, les revenus de travail provenant d’un contrat article 603.

Aux yeux de la jurisprudence, cette interprétation restrictive imposée à une catégorie particulière de travailleurs est injustifiée, au point qu’en 2018 elle a été rejetée par le Conseil du contentieux des étrangers4. Le Conseil a d’abord observé que l’article 60 est effectivement « un contrat de travail ». Cela veut dire que la loi relative aux contrats de travail s’y applique également, que les déclarations de l’ONSS sont faites pour ces travailleurs comme pour tout autre contrat et que la personne concernée acquiert à tous les effets le « statut de travailleur »5.

Toutefois, l’Office des étrangers s’obstine à exclure ces travailleurs du bénéfice du regroupement familial. Cela semble particulièrement contradictoire si l’on considère que les revenus d’un travail temporaire peuvent être pris en compte, tout comme les allocations de chômage, et que tout contrat article 60 est normalement suivi soit d’un contrat de travail standard, soit d’allocations de chômage. Qui plus est, l’Office des étrangers semble être en désaccord avec lui-même, car en d’autres matières, comme nous le verrons ci-après, une personne travaillant sous contrat article 60 est désormais considérée comme un travailleur.

Droit de séjour

Jusqu’en 2014, l’Office des étrangers livrait systématiquement des ordres de quitter le territoire à des centaines de travailleurs étrangers en séjour provisoire (cartes E ou F)6, travaillant sous un contrat article 60 (Caldarini 2016 ; Caldarini, 2017). Ce comportement était manifestement en contradiction avec les principales dispositions de la directive européenne 2004/38, dont l’article 7 garantit, sans exception ni dérogation, le droit de séjour sur le territoire d’un autre État membre pour les travailleurs salariés et non salariés, sans autre condition que celle d’être, précisément, « travailleur » (Neven, 2014).

Outre les citoyens de l’UE, cette directive s’applique aux ressortissants d’autres pays qui se déplacent en tant que membres de la famille d’un citoyen européen : par exemple, une personne de nationalité turque, algérienne ou chinoise qui s’installe en Belgique dans le cadre d’un regroupement familial avec son partenaire de nationalité française, espagnole ou grecque. L’Office des étrangers considérait que ces personnes étaient des « assistés » et non des « travailleurs », et que ces emplois créés en vue d’une meilleure insertion socioprofessionnelle ne pouvaient pas être assimilés à des « activités économiques réelles et effectives ». Cette interprétation était également suivie, à l’époque, par le Conseil du contentieux des étrangers. En janvier 2014, M. De Block, Secrétaire d’État à l’asile, à l’immigration et à l’intégration sociale, affirmait que « l’article 60 doit être considéré comme une forme d’extension de services sociaux » et que « selon la jurisprudence européenne, les personnes employées dans le cadre de l’article 60 n’ont pas le statut de travailleur »7. Cela a conduit quelques associations et syndicats belges et européens à rassembler des dizaines de dossiers d’expulsion et à déposer des plaintes officielles auprès de la Commission européenne. Le successeur de M. De Block, T. Francken, a dû admettre, quelques mois plus tard, que les travailleurs visés à l’article 60 sont également des « travailleurs » au sens du droit communautaire et « ne peuvent donc pas être éloignés »8. Cependant, comme ce revirement n’a jamais été officiellement communiqué aux administrations concernées, nombreux sont encore aujourd’hui les CPAS qui refusent, ou déconseillent d’engager des personnes en séjour temporaire, sous prétexte que cela mettrait en péril leur droit de séjour, alors que c’est plutôt le contraire qui est vrai : un contrat de travail de l’article 60 peut permettre de stabiliser son droit de séjour en Belgique. En effet, après un an de travail, le citoyen européen qui exerce son droit à la libre circulation, ou le membre de la famille d’un tel citoyen, quelle que soit sa nationalité, acquiert, une fois pour toutes, le statut de « travailleur » et donc un droit de séjour permanent, même s’il devait par la suite se retrouver en chômage involontaire (article 7 de la directive européenne 2004/38)9.

Et l’emploi, dans tout ça ?

Ce n’est cependant pas à cause de ces inconvénients dans le domaine du droit des étrangers que l’article 60 est quelquefois considéré avec une certaine méfiance. Les critiques les plus virulentes à son égard ont tendance à se rapporter à ses propres finalités.

Une étude du Collectif Solidarité Contre l’Exclusion (Hanotiaux, 2012, 18), « basée sur des paroles de syndicalistes », conclut, d’une part, que « censés lutter contre la pauvreté, certains CPAS deviennent parfois des agents de cette pauvreté, en exploitant ce personnel ou en le dirigeant vers des employeurs exploitant une maind’œuvre au rabais ». Et, d’autre part, que « si la plupart des personnes se retrouvent en fin de parcours au sein d’une autre caisse de la protection sociale, d’autres ont pu être engagées en fin de contrat Article 60 ».

Pour l’Atelier des droits sociaux, l’article 60 serait surtout un moyen de passer « d’une caisse d’assistance assurée par le CPAS à une caisse de sécurité sociale, assurée par l’ONEM », et une forme de « sous-emploi », qui détruit les emplois occupés auparavant par des personnes peu qualifiées dont le contrat n’était pas limité dans le temps (Gündüz, 2019, 5-6). Il ne serait, en somme, qu’un « ascenseur vers le chômage ». Et dans une société obsédée par l’emploi, l’activation et l’autonomisation, ce serait évidemment une tache (Huens, 2013, 4).

Certaines données semblent toutefois contredire ces points de vue. Selon une étude de l’Union des Villes et Communes de Wallonie, basée sur les flux de la Banque carrefour de la sécurité sociale, 42 % de la population totale sous contrat article 60 au 31 décembre 1998 aurait retrouvé un emploi au troisième trimestre 2001, soit 33 mois plus tard (Lemaître, 2004, 4-6). Une autre étude réalisée en 2012 par le SPP Intégration sociale sur des groupes de personnes ayant terminé un parcours d’activation professionnelle au sein d’un CPAS concluait que cinq personnes sur dix ont trouvé du travail l’année suivante, bien que seulement deux d’entre elles aient travaillé pendant les quatre trimestres.

Si ces chiffres semblent, en somme, indiquer que le contrat article 60 est davantage un ascenseur vers l’insertion que vers le chômage, quelles conditions faut-il réunir pour que cette insertion soit réelle ?

La question de la qualité de l’accompagnement social semble ici cruciale. Depuis que la loi a établi que cette mesure peut également être utilisée pour fournir une expérience professionnelle, la transition vers l’article 60, et de celui-ci à l’intégration effective dans le marché du travail, doit être formative et directrice (Huens, 2013). La personne doit, en d’autres termes, être accompagnée, pour qu’elle puisse choisir le parcours professionnel qui lui convient le mieux et renforcer ses compétences. Il s’agit de faire un bilan global de la situation, et d’opérer parfois des choix difficiles ou qui peuvent sembler absurdes, comme arrêter un moment de chercher « n’importe quel travail »10, pour préciser son projet, se former, apprendre une langue, mettre de l’ordre dans sa situation familiale et administrative, obtenir la nationalité belge ou l’équivalence de son diplôme. Toutes choses, en somme, qui « prennent du temps », alors que le temps, apparemment, presse.

À cet égard, une récente étude comparative s’est attachée à analyser comment les différents CPAS bruxellois se positionnent par rapport aux deux principaux objectifs indiqués par la réforme régionale, objectifs en apparence contradictoires (Caldarini, 2020) :

  • un objectif qualitatif, de créer des « transitions vers des emplois durables et de qualité » ;
  • et un objectif quantitatif, de créer dans chaque CPAS « une offre d’emploi d’au moins 10 % du nombre d’ayants droit à l’intégration sociale et à l’aide sociale équivalente de l’année précédente ».

Globalement, au niveau régional, 41 % des travailleurs et travailleuses article 60 dont le contrat a pris fin en 2017 ont retrouvé un emploi en 2018 (Caldarini, 2020, 14-16). Ce pourcentage est nettement plus élevé pour ceux qui ont bénéficié, à l’issue de leur contrat, d’un accompagnement plus intensif, entre Actiris et les CPAS.

Il existe sans doute plusieurs explications, mais il est probable que les CPAS qui ont un pourcentage moins élevé de personnes mises à l’emploi, et une période de chômage plus courte après l’article 60 soient ceux qui consacrent le plus d’énergie, de temps et d’importance à la qualité de l’accompagnement11. Ces données semblent confirmer ce que les travailleurs sociaux constatent tous les jours : qu’un accompagnement méticuleux, responsable et multidimensionnel, visant à donner aux personnes une réelle autonomie, est souvent un processus d’essais et d’erreurs.

Le dispositif né de l’article 60 §7 de la loi organique des CPAS est un outil d’insertion, mais il n’est pas l’insertion elle-même. Ce dispositif est donc une étape, mais ce n’est pas encore l’emploi durable. Il ne sort pas la personne de la précarité à lui seul.De nombreux professionnels du secteur ont donc raison de se demander si l’on peut vraiment parler de réinsertion, lorsque le travailleur retourne, quelques mois plus tard, au chômage, ou pire, au CPAS, parce qu’il n’a pas tenu le coup sur le marché du travail classique.

Nous savons très peu de la qualité et de la durabilité des parcours professionnels des bénéficiaires des CPAS, au terme de leur expérience « article 60 ». Nous pouvons néanmoins supposer, au vu des données exposées, qu’il existe une relation étroite entre la qualité et la durabilité de cette expérience et celles des expériences suivantes (emploi, mais aussi formation, protection sociale et parcours d’activation).

Conclusions

Pour une personne d’origine étrangère, un contrat de travail « article 60 » pourrait-il constituer une voie valable vers une situation plus digne et plus stable ? On constate que ce statut professionnel met à mal, dans bien des situations, les droits des personnes étrangères. Pour l’accès à la nationalité belge, selon les témoignages recueillis, la pratique veut que le travail au titre de l’article 60 soit considéré comme un statut inférieur. Le constat est identique en ce qui concerne le regroupement familial. En l’état actuel des choses, un contrat de travail au titre de l’article 60 n’ouvre aucun droit de ce type, même si un recours peut désormais être intenté, sur la base de la jurisprudence récente du Conseil du Contentieux des Étrangers. Ironiquement, à l’expiration, tout contrat article 60 donne systématiquement lieu à une allocation de chômage et, à ce titre, le bénéficiaire pourra, en principe, introduire sa demande de regroupement. En dernier lieu, on arguera du fait qu’un contrat « article 60 » permet de mettre un pied dans le marché du travail en vue d’obtenir ultérieurement un contrat « standard », idéalement un CDI, ce qui ouvrirait le droit au regroupement familial. Pour ce qui est du risque d’expulsion, la solution la plus efficace consisterait à fournir à l’Office des étrangers la preuve d’avoir travaillé pendant « au moins un an ». Cela conférerait aux personnes concernées un statut de « travailleur », qui rendrait leur droit de séjour automatiquement « permanent ». En ce sens, pour bon nombre de personnes, un contrat de travail article 60 constituerait une excellente manière de stabiliser leur situation en Belgique, et sortir ainsi leur famille de la précarité, même si cette solution est méconnue par la plupart des services d’insertion.

Enfin, l’article 60 en tant qu’ascenseur pour le chômage ou tremplin vers l’emploi. Les données dont nous disposons semblent indiquer que le passage par l’article 60 semble un bon moyen de mettre pied dans le monde du travail, d’accroître ses qualifications et compétences, de se familiariser avec les règles implicites et explicites du marché, bref, de trouver enfin un emploi plus stable et mieux rémunéré. Le fait que cette phase de mise au travail soit au centre d’un accompagnement social de la part des services d’insertion du CPAS, en fait également une opportunité pour stabiliser la situation administrative et familiale du travailleur. Mais les mêmes données et l’expérience, notamment en matière d’insertion socioprofessionnelle, nous disent aussi que ce résultat est avant tout fonction de la qualité de l’accompagnement. Dans les CPAS où l’article 60 est une « machine à mettre les gens au travail », on peut se permettre de douter qu’il s’agisse d’une méthode efficace et socialement utile de faire de l’insertion professionnelle. En revanche, là où la priorité est donnée à la qualité de l’accompagnement, de l’écoute, du diagnostic et des solutions proposées, les résultats tendent plus facilement vers la durabilité de l’insertion professionnelle.

Bibliographie

Caldarini C. (2016), « Belgique. Citoyenneté européenne : de la liberté de circulation à la liberté d’expulsion », Chronique Internationale de l’IRES, n° 153, p. 3-20.

Caldarini C. (2017), « Charge déraisonnable », Éconosphères.

Caldarini C. (2020), De l’article 60 à l’emploi d’insertion. Schaerbeek : CPAS de Schaerbeek, Observatoire du social, https://bit.ly/302FdBN.

Castaigne M. (2020), Le point sur l’article 60 § 7, Namur : Fédération des CPAS.

Degraef V. et Franssen A. (2013), Recherche-Action sur l’accompagnement des personnes dans les CPAS bruxellois, Bruxelles : AVCB.

Gündüz N. (2019), La remise au travail « article 60 » : Une voie sans issue, Bruxelles : Atelier des droits sociaux.

Hanotiaux G. (2012), Regards syndicaux sur les conditions de travail sous « contrat article 60 », Bruxelles :CSCE.

Huens V. (2013), Article 60 § 7. Derrière le mécanisme administratif : des travailleurs, des réalités et des enjeux, Monceau-sur-Sambre : SAW-B.

Mormont H. et Stangherlin K. (coord.) (2011), Aide sociale Intégration sociale. Le droit en pratique, Bruxelles : La Charte.

Neven J.-F. (2014), « Citoyens européens, CPAS et expulsions : le mode d’emploi de l’Office de étrangers », La Revue nouvelle, n° 4-5.

Wautelet P. (2017), « Travailler pour devenir belge : à travail égal, accès égal à la nationalité belge ? ». Revue@dipr.be, n° 1, p. 124-132.

Notes

  1. En Wallonie, il s’agit surtout de la commune dont dépend le CPAS en question ou d’une association sans but lucratif de son territoire, sans que cela ne soit une obligation.
  2. Tribunal de première instance Hainaut (div. Mons), ordonnance du 11 janvier 2017.
  3. D’autres revenus non pris en considération sont les allocations familiales et son éventuel supplément, les allocations d’attente, l’allocation de transition, l’engagement de prise en charge signé en faveur d’un étudiant (annexe 32).
  4. Arrêt n° 200 882 du 8 mars 2018 dans l’affaire X/VII, https://bit.ly/2SJu5Gp.
  5. En Wallonie, la réforme des aides à l’emploi reconnaît également les travailleurs article 60 comme des travailleurs à part entière, refusant que la période d’emploi sous un contrat de ce type soit assimilée à une période de non-emploi afin de bénéficier d’autres aides à l’emploi (Castaigne, 2020, 11).
  6. L’attestation d’enregistrement (carte E) est un titre de séjour délivré à un citoyen de l’Union européenne. La carte F est délivrée à un ressortissant de pays tiers à l’UE, autorisé à séjourner sur base d’un regroupement familial avec un étranger citoyen de l’UE ou un Belge. La validité de ces deux documents de séjour est de cinq ans. Ils sont renouvelables.
  7. Commission de l’Intérieur, des Affaires générales et de la Fonction publique du 21 janvier 2014.
  8. Chambre des Représentants de Belgique, note de politique générale. Asile et migration, 28 novembre 2014, pages 27-28.
  9. Selon cet article, le citoyen de l’UE qui a involontairement perdu son travail « conserve le statut de travailleur » et donc « a le droit de séjourner sur le territoire d’un autre État membre », s’il a travaillé « pendant au moins un an ». Cet aspect est peu connu, même par les personnes qui travaillent principalement avec des étrangers, et est rarement envisagé dans les milieux de l’insertion socioprofessionnelle.
  10. Extrait des témoignages recueillis.
  11. Des recherches plus approfondies ont d’ailleurs mis en évidence la « forte variation des pratiques », non seulement entre les différents CPAS bruxellois, mais aussi d’un agent d’insertion à l’autre, au sein d’un même service (Degraef et Franssen, 2013, 164-184).

Carlo Caldarini